Jamais toujours, toujours jamais
Nul n’étant mieux servi que par lui-même, Mathias Lair a choisi un narrateur perfide. Mis en demeure par “Le Vieux” sur– ou sous-estimé psychiatre, il en retourne le jeu jusqu’à faire de lui son sparring-partner.
Et celui qui est là pour lui tirer les vers du nez va y recevoir des horions.
Mais il n’est pas le seul. Lair se sert de la fiction pour donner une nouvelle version du “que peut la littérature ?” de Sartre.
Plus désopilant que lui, il prouve qu’elle ne sert à rien et surtout à ne pas raconter une histoire.
Si bien qu’à la fin de son livre le héros peut remercier un personnage qui n’a jamais existé quoique né “le 8 mai 1945″).. Mais qu’on se méfie : ce roman sans histoire devient celui de cent histoires.
L’auteur n’a cesse de les couper court (à moins que Le Vieux ne le fasse à sa place) pour rebrancher “le racontage” en changeant de disque ou de rails.
Plus qu’en être fort marri, lectrices et lecteurs en sont ravis. Ils aiment ces glissements incessants propres à remettre le mal, le discours et la narration (qu’il ou qu’elle soit romanesque) au psychanalytique.
Manière de leur dire leur fait en un jeu sous l’empire de la désillusion programmée de “lalangue” chère à Lacan. Elle trouve là un imbroglio discordant qui tient d’un plaisir au sein d’oublis largement compensés par une succession de sornettes.
jean-paul gavard-perret
Mathias Lair, Aucune histoire, jamais, Les éditions Sans Escale, 2021, 166 p. — 13,00 €.