Fantasio est en apnée parmi des meubles et des ustensiles divers quand il voit des sirènes et entend son nom. C’est M. Paul, le directeur du Pacific Palace qui le réveille, il est affalé sur la banque d’accueil de l’hôtel, en habit de groom. M. Paul regrette de l’avoir engagé sur les conseils de Spirou. Ce dernier a voulu rendre service à Fantasio, licencié du journal Le Moustique, en faillite.
Quand Fantasio veut partir après s’être fait frapper par Spirou à cause d’une réflexion fort déplaisante, le palace est cerné. Personne ne peut sortit, ni entrer, car le président Korda, le dictateur chassé de son pays, trouve refuge dans les lieux. Si l’homme, à la tête de ses gardes du corps et de ses derniers serviteurs, est peu attirant, sa fille Elena est une beauté. Sa seule vue fait tourner la tête de Spirou.
Mais, l’accueil d’un tyran, dans un hôtel vidé de ses clients, avec une équipe réduite à M. Paul, Julia la femme de chambre, Reynold le cuisinier, Fantasio et Spirou, n’est pas de tout repos. D’autant que le passé douloureux va ressurgir…
Les pays d’Europe centrale ont connu un certain nombre de dictateurs, tous plus gratinés les uns que les autres. Celui que met en scène Christian Durieux, par certains côtés physiques, ressemblerait à celui qui a ruiné la Roumanie. L’auteur s’attache à suivre les différentes phases qui s’engagent quand un tel individu se réfugie dans un pays démocratique.
C’est l’installation princière, puis les diverses tractations menées avec le gouvernement en place. C’est aussi le souci de faire oublier le fait que ce dictateur a été soutenu de façon presque inconditionnelle pendant de nombreuses années pour des raisons diverses soit le besoin de matières premières, soit l’enrichissement de quelques-unes des “élites” au pouvoir. Ici aussi, les exemples sont nombreux et on a l’embarras du choix.
Toutefois, on peut penser que l’auteur a fait une composition à partir de plusieurs cas. Est-ce un hasard si le nom du pays du tyran est aussi celui d’un célèbre chef d’orchestre réputé être très autoritaire ? Pour la première fois, semble-t-il, Spirou fait montre d’un intérêt certain pour une charmante personne qui a une attitude bien déroutante et déstabilisante pour le jeune héros.
Christian Durieux propose un Spirou peu conventionnel qu’il place dans une situation de témoin, assistant sans vraiment pouvoir agir, intervenir, contrairement à son habitude, à des événements riches en rebondissements.
La mise en images, dessin et couleur, est le fruit du travail du scénariste. Il a opté pour la ligne claire, style qui s’imposa lors de l’Âge d’or de la bande dessinée belge après la seconde Guerre mondiale. Ce choix sied fort bien à l’histoire où la part importante s’articule entre les situations, les rapports entre les principaux intervenants et les sentiments amoureux. Le dénouement est spectaculaire et machiavélique.
Un album qui se démarque dans cette série pourtant riche en bonnes surprises.
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serge perraud
Christian Durieux (scénario, dessin et couleurs), Le Spirou de Christian Durieux — Pacific Palace, Dupuis, janvier 2021, 80 p. – 16,50 €.