Leonardo Sciascia (1921–1989) demeure avec Pirandello le plus grand écrivain sicilien du XXe siècle. Certes, son étoile a bien pâli, sans doute parce que le moment n’est plus enclin à la propension de l’auteur : « J’écris seulement pour faire de la politique. »
Ce livre propose un choix de ses textes — articles, essais, souvenirs, textes d’intervention.
L’auteur y défend des positions propres à mettre à nu des difficultés de la Sicile : les réalités de la mafia mais aussi le poids de l’histoire de l’île dans le Moyen Âge arabe et normand.
Existent aussi des textes sur les enjeux de la littérature et son objectif. A savoir, pour l’auteur, la lutte pour le progrès, la justice. Ce qui a fait de l’écrivain une des consciences les plus aiguës de son temps.
Sciascia reste ici le combattant pour la vérité. Opposant, sceptique et pamphlétaire, il met à mal les abus des pouvoirs.
Le tout dans ce qui fait son style : sobriété exemplaire, concision et ironie.
Preuve que l’auteur a toujours expérimenté dans le dépouillement une forme de matérialisation de l’invisible et un renversement des statuts et statues. Il donne à la densité continue du monde de nouvelles perspectives en ne cessant de jouer entre opacité et transparence.
Cette remise en cause des champs politiques reste capitale. Elle n’est ni un reniement ni une négation mais l’expression d’une redisposition de la littérature.
Contre les nostalgiques de la transcendance, de la sacralisation et contre les cyniques qui se contentent de jouer avec les simulacres de l’idéologie, l’auteur aura toujours suivi un chemin exemplaire.
Passager d’une histoire salement vécue, il a est resté au bras de la Sicile pour la délivrer de ses souteneurs.
A l’inverse de ceux-ci, elle ne fut pas sa mariée d’un seul soir mais de tous les jours .
jean-paul gavard-perret
Leonardo Sciascia, Portrait sur mesure, traduit de l’italien et présenté par Frédéric Lefebvre, Editions Nous, coll. Via, 2021, 192 p. — 18,00 €.