Raymond Queneau, Monsieur Phosphore

Ode théâ­trale aux lueurs d’incendie

Mettant en scène les tris­mé­gistes, dans cette pièce non ter­mi­née, Ray­mond Que­neau leur adjoint un qua­trième lar­ron  mais d’une autre qua­lité : Mon­sieur Phos­phore — sans doute son sem­blable son frère.
Si les sbires infer­naux se posent la ques­tion essen­tielle — à savoir la nature du mal -, Phos­phore sort la sotie ou la fable des cercles dan­tesques pour ten­ter de dénom­mer cer­taines pertes dans un monde qu’il tutoie. Il essaye de pro­duire un peu de clarté là où il en manque.

Accro­ché aux basques des démo­niaques Trois Mous­que­taires, il vou­drait deve­nir leur d’Artagnan ver­na­cu­laire. Tout comme eux, il est lassé du vol des anges blancs même si leur vision impla­ca­ble­ment har­cèle et “xa va xavaxa durer encore” comme le rap­pelle une chan­son de l’auteur.
Dès lors, res­tant fidèles à leur volonté de défaire et de mal faire, les trois gre­dins des forges de Vul­cain deviennent d’étranges ana­cho­rètes. Ils ne cherchent en rien à com­battre leur tro­pismes enracinés.

Nul schisme n’est pos­sible. Mais Mon­sieur Phos­phore garde encore dans sa tête des rognures d’azur et la paille d’un rêve à arra­cher du bec des cor­beaux infer­naux.
Il est à sa manière un res­capé qui, dans une ode théâ­trale aux lueurs d’incendie, cherche non des ailes mais un lan­gage pour que face au mal sur­gisse la vul­gate des corps étran­gers les uns aux autres.

Bref, il se rêve roi Lear en ses diph­tongues meurtries.

jean-paul gavard-perret

Ray­mond Que­neau, Mon­sieur Phos­phore, illus­tra­tions de Jean-Marie Que­neau, Fata Mor­gana, Font­froide le Haut, 2021, 64 p. — 14,00 €;

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