Adrianna Wallis est une artiste qui travaille souvent avec divers types d’archives. Suite à un accord avec La Poste, elle a pu accéder au centre spécialisé de Libourne où sont traitées des lettres a priori non transmissibles pour cause d’adresses fausses, illusoires ou d’informations susceptibles de faire l’objet d’un possible envoi.
Les irrécupérables sont ensuite détruites. L’artiste a pu en consulter 20 000. Elle est devenue récipiendaire de secrets anonymes. Elle les laisse mûrir en elle, les utilise de diverses manières : elle évacue le trop-plein de ces missives en hurlant le contenu dans le Vercors (vidéo “Les cris”) ou en froissant rageusement du papier photographique pour en faire un cyanotype.
Dans ce livre, elle en publie un certain nombre prouvant au passage que ces missives étaient restées volontairement anonymes eu égard à leur contenu. Car, derrière les plus banales, existent bien des actes manqués détournés volontairement de leur but : cris, appels, aveux.
Certaines erreurs sont délibérées, avec humour, fantaisie, colère ou désespoir, comme celle envoyée à “Lucienne Mabienaimée, rue des Réconciliations, ou celle d’un homme révélant son homosexualité à “Marie Fauxnom, rue Sans Nom, à Saint-Nazaire.”
Existent aussi des insultes, des compliments à un peintre inconnu, des déclarations d’amour et des lettres de solitude pendant le confinement.
Si bien qu’Adrianna Wallis nous assigne le rôle de lecteurs.trices en biais.
L’expéditeur trouve son désir inassouvi d’être entendu réalisé à l’insu de son plein gré.
jean-paul gavard-perret
Adrianna Wallis, Les lettres ordinaires (les liseurs), Galerie Yvon Lambert, 2020 — 18,00 €.