Si — au matin — Jean-Louis Poitevin croit avoir oublié ses rêves, sa fiction permet que d’autres brasillent voire mettent le feu au cinéma officiel du monde (que les salles soient actuellement fermées n’y change rien). Celle-ci cultive autant d’ailleurs les songes doux que les cauchemars. Si bien que les déplacements de Jonas — héros de son roman — de Ninive à Mossoul font du sur-place. La ville a changé de nom mais rien n’est allé dans le sens d’une avancée de l’histoire et des lendemains qui chantent.
Preuve que l’auteur n’est pas plus libéral que marxiste. Et son Jonas reste un naufragé qui jamais ne se rétracte. Mais comment peut-il faire trace dans les rites qui nous sont donnés en partage ?
D’où la dérision téméraire de celui qui s’élève contre les mantras incertains dont notre esprit est beurré mais qui devraient nous incliner à nous en extraire pour savourer une solitude nécessaire.
Jean-Louis Poitevin, Jonas ou l’extinction de l’attente, Tinbad, 2021.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
L’odeur du café après que le souvenir des rêves s’est complètement effacé.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Ça va mieux…
A quoi avez-vous renoncé ?
Pas encore à moi-même…
D’où venez-vous ?
« Si ne suis, bien le considère
Fils d’ange portant diadème
d’étoile ni d’autre sidère… »
Villon, testament XXXVIII
Qu’avez-vous reçu en “dot” ?
Une âme de gitan dans un corps bas breton.
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
Regarder à la télé « Les experts » Miami ou Las Vegas etc… avachi dans le canapé en sirotant un café.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres écrivains ?
Peut-être que, quand on me demande ce que je fais, je réponds « producteur de textes”.
Considérez-vous votre oeuvre comme “engagée” ?
Dans une exploration dont je ne connais ni les tenants ni les aboutissants, dont seule témoigne une forme d’esprit, un fil « rouge » que « je » déroule, auquel « je » m’accroche ou qui emporte, conduit, on se sait où.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
Le souvenir de mes hurlements de peur la première fois dans l’obscurité de la salle face à l’écran devant les dangers encourus par Phileas Fogg et Jean Passepartout
Et votre première lecture ?
Un roman qui doit s’appeler quelque chose comme l’énigme de Kilwany, dans une collection pour pré-ados.
Quelles musiques écoutez-vous ?
Toutes. Mais en ce moment, le plus souvent, Le Dixit Dominus de Haendel, version John Eliot Gardiner.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
La chartreuse de Parme, Tendre est la nuit, Les Fleurs du mal, Villon
Quel film vous fait pleurer ?
Depuis le premier ( voir plus haut), en quelque sorte aucun… ou tous…
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
J’évite, car il n’y a, sinon personne, du moins rien qu’une sorte de fantôme s’inquiétant de faire coïncider dans l’image des éléments inconciliables.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
À trop de gens.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Ninive, aujourd’hui Mossoul.
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
Proche ? Il faudrait leur demander !
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Un billet d’avion pour Samarcande.
Que défendez-vous ?
L’autre côté…
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
La réponse s’est perdue…
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
Rien.
Que pensez-vous de celle de Vialatte “L’homme n’est que poussière, c’est dire l’importance du plumeau” ?
Rien non plus, sinon que la femme de ménage n’est pas venue depuis longtemps!
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
Combien suis-je ?
Présentation et entretien réalisés par jean-paul gavard-perret pour leitteraire.com, le 11 janvier 2021.
Je te retrouve bien dans ce portrait chinois, rêveur et là quand même. Bravo