Une étendue sans prise et sans confins
Le père de Catherine Weinzaepflen devient ici l’obligé d’une initiation par procuration au bout d’un enfer qui pour lui finira de manière monotone et banale dans, sinon la misère, du moins l’échec. Mais bien avant, ce face à face avec le père n’a pas été de tout repos.
Certes, il existe des moments délicieux. Mais le parfum du passé possède des fragrances parfois écoeurantes faites — en tant que madeleines de Proust - d’after-shave (Gillette Bleu), de Pantène et de savon Camay rose.
C’est donc et d’abord sur le clavier des sens que se démonte et se remonte l’histoire. Exit la pure chronologie car ce serait le leurre d’un leurre plus profond.
Ici, il faut que tout finisse dans les remugles épais là où la chair garde de la mémoire d’âme.
Parfaitement maîtrisé, ce récit — à entrées à la fois multiples et une — va vers un dénouement quasi inéluctable. L’auteure casse l’aspect trop émouvant en jouant d’une subtile banalité afin de prouver que tout sujet ne survit pas à une certaine fureur subie loin de tout refuge.
Surtout pour celle que la tâche ingrate accule à un certain néant pendant longtemps et qui ne cherche même plus à suspendre l’instance du jugement paternel.
Toujours est-il que l’éclaircissement procuré par le récit est de ceux dont seuls les poètes ont le secret. Et Catherine Weinzaepflen en est une. Elle fouille au cœur des ténèbres sans pour autant monter son histoire comme un modèle. Le contraire même.
Elle n’a pas la prétention de sauver le monde de son enfance ; celui-ci n’est tout compte fait même pas un lieu : rien, qu’une étendue sans prise et sans confins. “Tu es mort à quoi bon ?” finit-elle par écrire.
Néanmoins, Catherine Weinzaepflen, ramène au plus nu. Et la matière même de son écriture devient un reste d’érosion, le dépôt impalpable d’une ruine qui ouvre à l’horizon particulier. Non seulement — par sa définition même — il ne cesse de reculer mais s’offre au lointain en conduisant l’auteure dans un ici-même qui devient une sorte d’évidence.
Le fait de devenir mère n’y est sans doute pas pour rien. C’est peut-être une manière d’échapper au noble “prédateur” (à sa manière) aimé et ses ombres.
jean-paul gavard-perret
Catherine Weinzaepflen, L’Odeur d’un père, Des Femmes — Antoinette Fouque, Paris, janvier 2021, 94 p. — 12,00 €.
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