Le kentia est au départ une plante d’apparence sans qualité. Elle décore souvent les salles d’exposition, les foires d’art, les installations, les salons des collectionneurs autant que les salles d’attente voir les maisons. Elle prend ici une autre valeur qui remonte à une sorte d’histoire de l’art contemporain.
Celle-ci trouve ses origines à la fin des années 1960 et acquiert ici une régénérescence.
C’est en 2005 que Ludovic Chemarin décide de mettre fin à sa carrière d’artiste. 6 ans plus tard, Damien Beguet et P. Nicolas Ledoux se proposent de la réactiver. Ils la rachètent de même que son nom sous la forme d’une marque et l’intégralité des droits patrimoniaux de son œuvre.
D’où l’invention de “Ludovic Chemarin©” en tant que personne morale de droit privé et comme la cheville ouvrière d’une fiction artistique conforme aux codes du monde de l’art.
En produisant des œuvres et des expositions sous l’appellation “Ludovic Chemarin©”, celle-ci devient un acteur critique du réseau institutionnel et du marché de l’art. L’objectif est de l’infiltrer pour en interroger les enjeux et en tester les limites.
Entre autres sont interrogées les conditions de la vie et de la mort des œuvres d’art, l’institution muséale, ses mécanismes et le statut de l’artiste.
Le programme de Ludovic Chemarin© renouvelle la critique du système de l’art engagée par les artistes conceptuels et appropriationnistes de la fin des années 1960 aux années 1980. En un tel processus, le“Kentia” tient une place privilégiée. Il devient la plante fétiche de Ludovic Chemarin©, d’autant qu’il s’agit d’un motif récurrent dans plusieurs de ses productions.
Et ce, en affiliation avec deux artistes références : Marcel Broodthaers et Philippe Thomas.
Ce livre est à mi-chemin entre le livre d’artiste, l’essai et le catalogue. Il travaille la réminiscence du kentia sur plusieurs plan. Il devient une sorte de symbole, nourri par l’histoire de l’art et représente un archétype ou un nouvel artifice dans son spectacle. Il permet de revisiter les marges visibles comme invisibles de l’institution artistique en devenant ce que Nathalie Leleu nomme “Histoires d’un stipe”.
Ce type de palmier plante le décor plus qu’il ne fait de lui une œuvre d’art. Le tout dans un jeu en abîme de la mise en scène.
jean-paul gavard-perret
Ludovic Chemarin©, Kentia, avec des textes de Pierre-Olivier Albano, Ludovic Chemarin, Laurence Corbel, Émeline Jaret & Nathalie Leleu, Rennes, éditions Incertain Sens, 2020, 126 p. — 19,00 €.