Danielle Thiéry, Mauvaise graine

Quand l’amour manque, quels dégâts!

Le thème prin­ci­pal de ce polar à l’intrigue super­be­ment menée, ce roman poli­cier inversé car on a très vite des indices sur l’auteur de meurtres, est l’amour.
Plus exac­te­ment les consé­quences de l’absence d’amour tant dans la quo­ti­dien que dans l’enfance, une carence qui occa­sionne des asser­vis­se­ments, des atti­tudes, voire des patho­lo­gies plus ou moins pro­non­cées. Le couple des per­son­nages prin­ci­paux en est l’exemple type, des indi­vi­dus non dési­rés qui manquent d’affection.

Made­leine, la cin­quan­taine, la sil­houette lourde, mène une vie terne. Dans le métro, alors qu’elle rentre de son tra­vail de gui­che­tière à la CPAM, elle sent un genou se col­ler contre le sien. Lorsqu’elle lève les yeux sur l’insolent, le regard intense la sta­tu­fie. Elle y lit une immense quête d’amour.
Elle rentre chez elle assez inquiète car ce gar­çon semble la suivre. Le len­de­main, après avoir essuyée un per­sif­flage méchant de sa voi­sine de gui­chet, Lola, elle voit ce même jeune homme devant elle. Le temps de mettre en route son maté­riel, il n’est plus là quand elle relève les yeux. Elle pense avoir rêvé.
Mathieu Mar­tin est au tri­bu­nal de grande ins­tance de Paris pour avoir arra­ché le sac à main d’une dame après qu’elle ait fait un retrait. Il rejette sa mère, affir­mant qu’elle est morte, alors qu’elle est dans la salle. Il est accom­pa­gné de Jérôme Blanc, son édu­ca­teur qui l’héberge en dépit des usages.
Made­leine est per­sé­cu­tée par Lola qui en a fait son souffre-douleur. Quand les cir­cons­tances amènent celle-ci sur un quai de métro, elle sent qu’on la pousse quand la rame arrive.
Mathieu fait le siège de Made­leine. Celle-ci finit par accep­ter ce jeune homme au regard si per­çant, se laisse prendre à un ter­rible jeu…

Danielle Thiéry met en scène des acteurs bien ordi­naires, dans des exis­tences bien banales. Mais n’est-ce pas le lot d’une large majo­rité de la popu­la­tion ? Peu de per­sonnes ont une vie à la James Bond, sans cesse sur le qui-vive, enchaî­nant les exploits.
C’est le cas avec Made­leine, qui porte un lourd ata­visme, car depuis deux géné­ra­tions, sa lignée subit des situa­tions dif­fi­ciles où les sen­ti­ments sont absents. Elle n’est pas culti­vée, n’a pas des capa­ci­tés intel­lec­tuelles qui sortent de l’ordinaire. Elle occupe un emploi, tient cepen­dant une place dans la société.
Mathieu est patho­lo­gi­que­ment atteint et reporte ces manques d’une façon plus bru­tale, décidé à tout faire pour être aimé.

La roman­cière entoure ces deux acteurs du drame par une gale­rie de pro­ta­go­nistes étof­fée, allant de la garce qui a besoin d’un souffre-douleur aux per­sonnes à la recherche d’un être à aimer, que ce soit l’objectif inac­ces­sible de l’éducateur ou celui du poli­cier qui va peut-être sor­tir de sa cui­rasse…
Publié pour la pre­mière fois en 1995, on ne peut, à la lec­ture de ce roman, s’empêcher de pen­ser à Thierry Pau­lin, le tueur de vieilles dames qui entre 1984 et 1987, assas­sina une ving­taine de victimes.

Mauvaise graine se lit d’une traite tant l’intrigue est astu­cieu­se­ment mon­tée jusqu’à une chute inat­ten­due, tant le par­cours des per­son­nages est addictif.

serge per­raud

Danielle Thiéry, Mau­vaise graine, J’Ai Lu, coll. “Thril­ler” n° 12132, octobre 2020, 320 p. – 8,20 €.

Leave a Comment

Filed under Pôle noir / Thriller

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>