Jean-Pierre Bobillot, Dernières répliques avant la sieste

Gai Savoir à dévorer

Pour ce flo­ri­lège de Bobillot, tout est annoncé dès l’exergue d’Aldous Hux­ley : « L’écrivain sup­pose l’existence, dans l’esprit de ses lec­teurs, d’une cer­taine somme de connais­sances, d’une fami­lia­rité avec cer­tains livres, de cer­taines habi­tudes de pen­sée, de sen­ti­ment et de lan­gage ».
A par­tir de cette péti­tion de prin­cipe et dès poltron-minet, humo­riste au plus au point, l’auteur pro­pose des répliques dignes d’une comé­die de rêve.

Il nous plonge dans le plai­sir des mots et ce, au moins pour une rai­son majeure : “L’humanité est faite de plus de mots que de vivants ». L’auteur se moque des pré­ten­tieux et se livre à ses dérives et délires ver­baux.
Il se veut amu­seur « psy­ché­dé­li­cieux » et tout autant popu­laire dans la “tra­di­tion” (si l’on peut dire) des irré­gu­liers de la langue.

Le livre peut se lire par rafales ou de manière plus calme en ses col­lages.  Et pour notre plai­sir, cela peut durer des heures — sans comp­ter les minutes…
Tout un gai savoir se dévore. Il fait la nique à une époque qui cultive la vic­ti­mi­sa­tion et la culpa­bi­li­sa­tion de toutes sortes.

Et celui qui avait fait ses preuves avec son spec­tacle il y a 20 ans en com­pa­gnie de Syl­vie Nève pro­pose une suite en un “opéra bouffa” fait non de bla­bla mais de tran­chants et de cou­pures. Et ce, par­fois, en hom­mage à d’autres sacri­pants et maroufles de la langue : Jean-Pierre Verheg­gen, Michel Val­prémy, qui sait « traî­ner son far­deau / far­der son traî­neau » et « s’accorder des pri­va­tions / comme d’autres des pri­vau­tés ! » ou à Fran­çois Dufrêne et ses « Syl­labes m’étaient contrées… ». Et bien sûr à Mon­sieur Hulot « Par tout Tati ! ».

L’ouvrage d’un tel bonze ami à la spi­ri­tua­lité par­ti­cu­lière est donc un pur délice. Il faut le prendre pour ce qu’il est : léger.
Mais ce qui n’empêche pas une cer­taine pro­fon­deur canaille : « Quand le clas­sique montre la lune, le moderne consi­dère avec cir­cons­pec­tion le doigt” et d’ajouter (en se moquant de lui) “L’auteur de maximes creuses prend le moderne pour un imbécile”.

Dans un jeu visuel, le livre de Bobillot fait revi­si­ter le monde par la grâce des jeux de mots. Bref, ce livre se boit comme un Porto (Bello) tant de telles répliques zèbrent à tout coup l’esprit.
C’est pour l’auteur un moment de répit dans son oeuvre mais c’est bien plus qu’un petit champagne.

La voix du rire — entre le vrai et le défaut — devient  la plus com­mode humeur contre la déses­pé­rance.
Celle-là résiste comme nous résis­tons peut-être à nous-mêmes.

jean-paul gavard-perret

Jean-Pierre Bobillot, Der­nières répliques avant la sieste, éditions Tin­bad, coll. Tin­bad poé­sie, Paris, 2020.

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