Jean-Christophe Berthain, ZOF 1945

Une période peu valo­ri­sée mais peu reluisante

Avec son per­son­nage prin­ci­pal, Jean-Christophe Ber­thain décrit, entre sep­tembre et décembre 1945, le quo­ti­dien des habi­tants, aussi bien les occu­pants que les occu­pés. Il relate, sans langue de bois, les ven­geances, les exac­tions, les chasses au nazi en Forêt-Noire, les humi­lia­tions des popu­la­tions, le mépris vis-à-vis des occu­pants, la vie à Baden-Baden, les tra­fics, le mar­ché noir, les dénon­cia­tions d’Allemands… Il raconte la misère, la haine, les tra­hi­sons, les exé­cu­tions som­maires…
Il retrace les actions des mili­taires, des gra­dés, des magouilleurs qui mènent la belle vie, pen­dant que, tant en France que sur la zone, les res­tric­tions ali­men­taires sont la norme, que tout manque, le néces­saire comme l’indispensable. C’est l’humanité dans ce qu’elle a de pire qui se retrouve sur là.

C’est éga­le­ment le récit des ten­sions poli­tiques entre Alliés et Sovié­tiques, les pré­mices de la Guerre froide. Le roman­cier détaille les ten­sions internes entre les par­tis en France, entre les Gaul­listes et les Com­mu­nistes, entre les tenants d’une ado­ra­tion du régime de Sta­line et ceux prô­nant une ouver­ture patrio­tique. C’est la lutte pour la prise du pouvoir.

Le 12 juillet 1943, au siège de la Ges­tapo à Troyes, la mère de René est sou­mise à un chan­tage…
Le com­man­dant René Valen­ton arrive à l’aérodrome du Bour­get, en pro­ve­nance de Londres, le jeudi 6 sep­tembre 1945. Colette Richard, lieu­te­nant d’intendance du géné­ral Gar­nier, le prend en charge et l’amène au minis­tère de la Guerre pour ren­con­trer son chef.
Ce der­nier l’interroge sur les rai­sons du séjour pro­longé à Londres puis, sur une carte d’état-major, montre le Soutien-gorge. C’est la forme de la Zone d’occupation fran­çaise, la ZOF, lais­sée, dans leur infi­nie géné­ro­sité, par les alliés du moment, les Anglais et les Amé­ri­cains. Gar­nier l’envoie, avec le grade de colo­nel, pour être ses yeux et ses oreilles car : “…les places sont chères dans le camp des vain­queurs et nous ne sommes qu’en bout de table. Les Anglo-Américains nous tolèrent, les Sovié­tiques nous ignorent et les Alle­mands nous méprisent.

C’est à Baden-Baden, la ville prin­ci­pale de la ZOF, une cité ther­male au cœur de la Forêt-Noire, que Valen­ton prend ses quar­tiers. Et ce qu’il découvre…

L’auteur ne fait tou­te­fois pas tota­le­ment déses­pé­rer de la nature humaine et pré­sente quelques per­sonnes encore dignes, comme Edgar Nahoum, un résis­tant plus connu sous le pseu­do­nyme d’Edgar Morin.
Il conte nombre d’anecdotes plus ou moins plai­santes, comme la fra­ter­nité des condam­nés à mort de Vichy, le tout nou­veau droit de vote des femmes que les maris accom­pagnent dans l’isoloir…

Avec la rigueur de l’historien, avec l’art du conteur, Jean-Christophe Ber­thain offre un récit pas­sion­nant sur cette période quelque peu oubliée.

serge per­raud

Jean-Christophe Ber­thain, ZOF 1945, cherche midi, coll. “Roman his­to­rique fran­çais”, sep­tembre 2020, 320 p. – 18,00 €.

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