Fondées en 2015, les éditions Macha Publishing sont principalement spécialisées dans la publication d’auteurs russes, russophones ou ayant trait à la Russie.
Si cette maison a notamment offert aux lecteurs français des écrivains de l’envergure de Dina Rubina, elle ne se détourne pas pour autant d’auteurs et de genres plus légers, comme c’est le cas avec la paire formée par le frère et la sœur Sergey et Anna Litvinov, dont elle a fait paraître Sa Mort à l’agenda en octobre 2020.
L’intrigue de ce roman policier est assez classique : un riche homme d’affaires, Boris Konychev, a été tué dans l’explosion criminelle de sa voiture et ses héritiers se réunissent dans son manoir pour le partage de l’héritage.
Comme on s’en doute, l’ouverture du testament n’ira pas sans heurts ni même sans un nouveau meurtre et il faudra toute la sagacité d’un retraité du KGB pour découvrir le fin mot de l’histoire.
Hormis quelques clichés risibles concernant les Européens dont les enfants « avalent des calmants pour tout et n’importe quoi » (p. 28), qui « enterrent leurs morts le matin et se partagent l’héritage le soir » (p. 53) ou qui ont une peur phobique des saletés (p. 254), l’ensemble n’est pas déplaisant.
Au contraire, grâce à l’indéniable talent narratif des Litvinov, on chausse les bonnes vieilles charentaises déjà assouplies par cette chère Agatha Christie et on se laisse aller, tout contents de retrouver les mêmes turpitudes et autres tromperies familiales qui sont le carburant de ce genre de romans.
Il n’est pas jusqu’à la résolution finale, énoncée par l’émule d’Hercule Poirot, – lequel a, comme il se doit, réuni tout son monde dans le bureau du manoir –, pour nous rappeler le petit plaisir coupable qu’on a aimé prendre à la lecture de la célèbre romancière anglaise.
Bref, on l’aura compris, si vous êtes amateurs de ce genre de romans, avec en prime la petite touche d’exotisme procurée par le cadre russe, Sa mort à l’agenda est pour vous.
Toutefois, je ne peux finir cet article sans émettre de grosses réserves concernant la traduction, non qu’elle semble erronée ou truffée de contresens, mais parce qu’elle donne l’impression d’être le fait d’une élève appliquée, mais dénuée de métier et de sens de la langue. Que dire par exemple du choix de conserver systématiquement les surnoms dont la langue ruse est friande, surtout quand cela donne « mon Borisson » ou « mon Natachou » !
Par ailleurs, si le texte français contient quelques impropriétés – du type « le motif du crime » pour le « mobile du crime », « s’en rappeler »… – et autres incongruités comme « froncer le sourcil » ou « elle n’y croyait pas ne serait-ce que d’un iota » (p. 156), c’est surtout par un usage maladroit des niveaux de langue (beaucoup trop de termes désuets pour un contexte contemporain) et la multiplication des tournures non idiomatiques que cette version française dérange.
Pour ne citer que quelques exemples parmi tant d’autres : « l’étonnement fit béer sa petite bouche » (p.82), « Natacha ! lança Natacha d’un ton de souffrance, tout en se jetant éperdument sans ses bras » (p. 157), « un jour, ma belle-mère avait beaucoup bu dans la journée » (p. 236), « un rossignol s’égosillait follement comme s’il n’avait pu trouver sa femelle de toutes ces nuits dernières (p. 285)…
Autrement dit, nous ne saurions que déplorer le retravail insuffisant d’une version française qui nuit à un roman remplissant par ailleurs tout à fait ses objectifs.
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agathe de lastyns
Anna & Sergey Litvinov, Sa Mort à l’agenda, traduit du russe par Céline Bricaire, Macha Publishing, octobre 2020, 377 p. – 19,90 €.