Les protagonistes de ce huis clos destructeur ne cessent de se parler, pour se dire qu’ils devraient se parler
Un hôtel, manifestement déserté, ouvre sa baie sur un paysage d’eau. On assiste à une conversation téléphonique qui pose en filigrane tous les éléments de la pièce : banalités, dette, grave maladie, dénégation. Les personnages sont vite réunis : le père, la mère, deux fils, la bonne. Peu à peu leurs dialogues révèlent les conflits familiaux intenses. Leur caractère est révélé tour à tour, lors de scènes au cours desquelles ils se livrent en s’enferrant dans leur discours. Les moments de duo alternent avec les scènes collectives ; mais toujours les propos s’empêtrent de pesanteurs. L’écriture de Lars Noren prend parfois une vocation introspective. Chaque monologue proféré est un morceau de détresse crument et cruellement exprimée. La confrontation des personnages à la mort révèle leurs fragilités constitutives. Tout cela semble pouvoir se prolonger indéfiniment.
L’antagonisme entre les personnages s’envenime ; on en vient à de cuisantes invectives. Le fils, écrivain décalé, joue le rôle de miroir révélateur des travers des autres. Les protagonistes de ce huis clos destructeur ne cessent de se parler, pour se dire qu’ils devraient se parler. Ils ne se donnent de l’amour que par exception, comme dans l’inadvertance d’un moment de déjection. Lucides et rageurs, ils finissent par réclamer la cessation de leurs rapports. Les acteurs exécutent leur partition de façon irréprochable, emmenés par un Jean-Pierre Darroussin magistral. On assiste à un spectacle de qualité, qui finit par conduire son public à son absence de terme ; les paroles cessent à un moment sans que l’on ne soit parvenu au moindre dénouement. Jean-Louis Martinelli se tire une fois de plus avec brio, sans grâce mais avec une indéniable efficacité, de l’exercice difficile de faire durer cette infernale claustration collective.
christophe giolito
Calme
de Lars Noren
Mise en scène Jean-Louis Martinelli
Avec : Delphine Chuillot, Jean-Pierre Darroussin, Alban Guyon, Christiane Millet, Nicolas Pirson.
Traduction Camilla Bouchet ; adaptation Jean-Louis Martinelli ; scénographie Gilles Taschet ; lumière Jean-Marc Skatchko ; son Jean-Damien Ratel ; costumes Karine Vintache assistée de Séverine Lustière ; assistante à la mise en scène Amélie Wendling.
Production : Théâtre Nanterre-Amandiers
Au Théâtre Nanterre-Amandiers, 7 avenue Pablo-Picasso, 92022 Nanterre Cedex
Location 01 46 14 70 00, http://www.nanterre-amandiers.com/2012–2013/calme
Du 18 janvier au 23 février 2013, Grande Salle
Tous les jours à 20h sauf le dimanche à 15h30 et le jeudi à 19h30 — Relâche le lundi
Durée : 3h15 entracte compris
Le texte Calme est publié aux éditions de L’Arche en 2012.
L’Arche est éditeur et agent théâtral du texte représenté. www.arche-editeur.com