Anne Perry, Le brasier de Tooley Street

Un couple d’enquêteurs attachants 

Après avoir relaté de très nom­breuses enquêtes de Tho­mas et Char­lotte Pitt, Anne Perry entre­prend de racon­ter celles de Daniel, le fils de ce couple de héros, et de mettre en scène le côté des avo­cats plu­tôt que celui des poli­ciers. Le bra­sier de Too­ley Street est la troi­sième affaire (après Un inno­cent à l’Old Bai­ley et Le manoir d’Alderney) menée par ce jeune avo­cat de vingt-cinq ans et par cette scien­ti­fique diplô­mée sans pou­voir exer­cer.
Après avoir obtenu sa licence en droit à l’université de Cam­bridge, Daniel occupe son pre­mier poste dans le pres­ti­gieux cabi­net d’avocats Croft et Gib­son, sous la férule de Kit­te­ridge, l’employé le plus pro­met­teur des lieux. Miriam fford Croft, la fille unique de Mar­cus, le fon­da­teur, a fait des études scien­ti­fiques et vou­drait exer­cer la méde­cine légale. Or, ce métier est inter­dit aux femmes. Elle et Daniel col­la­borent sur les affaires qui arrivent à ce dernier.

C’est par ce qu’il évité la pen­dai­son à Bla­ck­well que Jes­sie Beale vient le trou­ver pour défendre Robert Adwell. Celui-ci est accusé d’incendie cri­mi­nel et du meurtre de Paddy Jack­son. Un corps car­bo­nisé a été décou­vert dans les restes de l’entrepôt qu’ils cam­brio­laient.
Daniel se laisse convaincre et, avec un assen­ti­ment donné du bout des lèvres par son col­lègue, il ren­contre le poli­cier et le pré­venu.
Le pre­mier reste dubi­ta­tif quant au fait que les deux voyous aient col­la­bo­rés, ils appar­tiennent à des gangs qui se détestent. Dans sa cel­lule, Adwell se défend de toute dis­pute et de bagarres. Pour­tant, le légiste dévoile à Daniel que Paddy Jack­son a eu le crâne fra­cassé. Daniel com­prend que l’affaire est bien plus com­plexe que Jes­sie Beale l’avait sug­géré. Il retrouve Miriam fford Croft. Il a besoin de ses solides connais­sances en science médico-légale.

Mais, très vite les évé­ne­ments s’accélèrent et quand l’assassin pré­sumé devient une vic­time, Miriam et Daniel sont face à des pro­blé­ma­tiques inquiétantes…

L’intrigue, qui débute par une mort qui a tout d’un assas­si­nat, s’articule autour de très nom­breuses scènes de pré­toire, de joutes entre avo­cats, entre experts, de retour­ne­ments d’opinion, de rebon­dis­se­ments, un exer­cice lit­té­raire dans lequel Anne Perry excelle. Elle donne une his­toire sophis­ti­quée à sou­hait, aux nom­breuses rami­fi­ca­tions, met­tant en scène des sen­ti­ments humains plus ou moins louables.
Avec Daniel, jeune avo­cat, elle expose ses hési­ta­tions, son manque d’assurance, d’expérience, sa rete­nue face à des pro­fes­sion­nels plus aguer­ris. Elle donne vie à des per­son­nages fine­ment cro­qués et pro­pose une gale­rie de pro­ta­go­nistes très variée pour qui on res­sent de l’empathie ou de la répulsion.

Paral­lè­le­ment, elle intègre le contexte éco­no­mique et social de l’époque dans la région de Londres. Elle décrit la situa­tion des femmes, le bar­rage pour l’accès à cer­taines pro­fes­sions. Nombre d’hommes pen­saient que l’équilibre de la société serait bou­le­versé si les femmes étaient auto­ri­sées à suivre des cur­sus uni­ver­si­taires dans des matières aussi inap­pro­priées que la méde­cine, la dis­sec­tion des corps. On les disait inca­pables, intel­lec­tuel­le­ment, d’exercer de tels métiers.
L’auteure livre nombre d’indications sur la recherche des indices, sur l’époque, comme l’arrivée de ces auto­mo­biles noires, ces taxis à la concep­tion nova­trice… en 1907. Et c’est tou­jours le même prin­cipe qui per­dure aujourd’hui. Le conser­va­tisme des anglais est ahu­ris­sant, comme l’idée qu’ils se font d’être encore les maîtres du monde.

On retrouve, dans ce roman, tout le talent d’Anne Perry qui trans­forme une enquête d’apparence clas­sique en un récit riche en ten­sion, avec un lot de mys­tères, tout en inté­grant nombre des inter­ro­ga­tions et de doutes que se posent les héros.

serge per­raud

Anne Perry, Le bra­sier de Too­ley Street (One Fatal Flaw), tra­duit de l’anglais par Flo­rence Ber­trand, Édi­tions 10/18, coll. “Grands détec­tives”, octobre 2020, 378 p. – 14,90 €.

Leave a Comment

Filed under Pôle noir / Thriller

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>