Olivier Weber rejoint le Rojava (l’ouest en Kurde), le Kurdistan syrien. Des amis lui parlent de l’expérience démocratique en cours dans cette région qui, en novembre 2013, s’est auto-déclarée autonome du reste de le Syrie. Ils prônent : “…un vrai modèle d’égalité hommes-femmes et de démocratie locale, avec une considération de toutes les minorités religieuses ou ethniques et un véritable respect de l’environnement.“
L’auteur évoque ses contacts de longue date avec le peuple kurde, particulièrement lorsque qu’en tant que correspondant de guerre, il suivait ses combats, en 1991, contre l’armée de Saddam Hussein. Puis, il énonce, avec une connaissance précise du terrain, l’évolution de la situation dans la région.
Olivier Weber raconte comment le maelström syrien, les errances irakiennes autorisent trois hégémonies renaissantes à s’implanter. C’est l’Iran qui déploie plus de trente mille hommes sous le prétexte d’un soutien religieux. C’est la Russie qui envoie des forces spéciales. C’est la Turquie qui aide les troupes de Daesh et favorise son implantation.
Le plus acharné à la perte des Kurdes, en Turquie et hors des frontières, est Erdogan qui, en autocrate, est prêt à toutes les vilénies. Pour ce faire, il met en œuvre La technique du coup d’État, décortiquée en son temps par Malaparte pour critiquer les totalitarismes de Staline, Mussolini et Hitler. Pour abattre les Kurdes dont il a fait sa bête noire, il met en marche les cohortes de Daesh.
Mais la situation empire avec des décisions prises en octobre 2019. Contre l’avis de responsables du Pentagone, l’un des pires individus que la Terre ait porté a décidé du retrait de soldats américains ouvrant la voie à l’obscurantisme. Alors que depuis 2013, sur ce territoire, une nouvelle société s’était construite, mettant en œuvre les principes démocratiques, une menace terrible se fait jour.
Weber brosse un tableau saisissant, dénonçant les intrigues coupables d’un Erdogan pour éradiquer ce monde libre face au despotisme qu’il a mis en place et qu’il renforce. Il montre le courage de ces femmes et de ces hommes décidés à combattre pour leur terre, pour leur modèle de société, les racines de leur civilisation.
Mais il condamne la trahison de l’Occident, des États-Unis, de l’Europe qui ferment les yeux alors qu’un nouveau génocide se profile comme celui des Arméniens.
Ce récit, cette analyse d’une situation dantesque, est truffé de très nombreuses citations de Malraux à Camus, de Céline à Goethe, de Cervantès à Euripide…
Un livre coup de poing par un reporter épris de justice et de liberté défendant la démocratie contre l’obscurantisme.
serge perraud
Olivier Weber, Si je t’oublie Kurdistan, L’aube, coll. “Monde en cours”, novembre 2020, 192 p. – 16,00 €.