Véronique Bergen, Ulrike Meinhof — Histoire, tabou et révolution

Le refus des larmes

A côté d’un recueil de nou­velles Bel­giques dans la col­lec­tion épo­nyme aux Edi­tions Ker, Véro­nique Ber­gen publie son Ulrike Mein­hof, nou­velle ver­sion de sa fic­tion Aujourd’hui la révo­lu­tion.

L’auteure y redes­sine la “tra­jec­toire de cette femme encore muse­lée, dia­bo­li­sée, la réou­ver­ture du passé alle­mand, des années de plomb, de la lutte armée”. Celle qui affir­mait “Je viens de com­prendre que la gué­rilla urbaine requiert l’invention de mathé­ma­tiques nou­velles. L’homme à venir ne jaillira pas de l’arithmétique de nos pères.” est donc sai­sie ici contre la puis­sance d’arrêt de  cer­taines images .

Véro­nique Ber­gen ouvre le pari d’une forme rédemp­trice . Tou­jours enga­gée autant que for­ma­liste, elle met de la grâce face à divers agres­seurs dont la ter­ro­riste fut elle-même vic­time.
Elle se vou­lut  sor­cière pour retrou­ver à sa manière d’antiques fonctions.

L’auteure  prouve  — dans sa propre sor­cel­le­rie d’écriture — l’étrange voyage  de vivre.
Sur­tout pour une femme qui dut boire jusqu’à la lie le verre de la vie et s’en arra­cher comme d’une ombre par le sui­cide, ne lais­sant à l’horizon d’elle-même pas une pous­sière de mots en den­telle obscure.

Elle a fait gran­dir l’imprévisible mais aussi le chaos où  — consi­dé­rée comme un monstre - elle fut tapie.  Mais Véro­nique Ber­gen montre ce qui se cachait dans cette vie.
L’”héroïne” vou­lut se battre contre la pâle fri­pe­rie des jours fanés, leurs écumes, leurs gri­maces. Et, quoiqu’on en pense, la vie de Mein­hof reste une grande leçon de refus des larmes même si tout fit retour dans le grand silence nocturne.

Le livre prend le risque de lier le masque à l’aveu. Ce n’est pas un miroir pour jeune fille, ni un alcool pour un soir de fête mais une prose qui ne connaît ni la pause ni la vic­toire. Dans le souffle et la mesure, dans le sacre et l ’“acci­dent” de par­cours.
Dès lors, l’auteure une fois de plus retarde la fuite du visible qui enferme les femmes dans des châsses qui ne sont pas les bonnes.

Et il ne faut jamais sous-estimer la puis­sance de feu de telles reprises et re-visitations.

jean-paul gavard-perret

Véro­nique Ber­gen,
- Ulrike Mein­hof — His­toire, tabou et révo­lu­tion, Samsa, 2020 ,
Bel­giques,
Edi­tions Ker, 2020.

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Filed under Essais / Documents / Biographies, Poésie

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