Père ancien fait de l’oeuvre de Pennequin le plus ardent plaidoyer contre l’abomination d’être transformé en corps. La question essentielle demeure la suivante : que se passe-t-il lorsque l’écriture elle-même s’affole de sinon son néant du moins de sa perte d’assise ?
Et ce, là où le bleu du ciel cher à Bataille prend un nouvel angle : “ciel bleu l’air /en bas le bras / sied la braise / à plein d’âmes // ciel bleu signe / le rire dans la / rue la rumeur m’abuse / de plain-pied”.
La poésie devient le lieu où le sens se brise et se métamorphose. Le texte est envahi par l’expérience du corps et nous immerge dans la déconstruction des matériaux du langage afin qu’ils possèdent un autre impact sur nous. L’écriture est soudain un opéra — à savoir une ouverture.
Elle bavote, “péclote” pour inventer des lois, des rythmes enfouis dans les plis de textes venins et poisons du corps dont l’esprit n’arrive pas à sa cheville.
Dans une suite de 18 temps (séparés entre le plus ancien et le plus récent de 23 ans) qui finissent presque toujours en drame, divers registres et temporalités se font échos là où ce n’est plus une main qui écrit mais la terre du cimetière. Beckett n’est donc jamais loin.
Avec une angoisse au sein d’un éventail qui va du détail réaliste et à la méditation métaphysique Tout s’éjacule en des sortes de coupures et de ruptures mais en courant continu là où — et entre autres — un Arthur doit se débarrasser d’un cadavre. Mais celui-ci revient “en murmurant ça cloche”.
Le corps n’est plus ce qu’il se doit, ce qu’il était voire ce qu’il devient dans une poésie de concaténation. Y naît une langue arrachée à la simple communication d’usage. Il ne s’agit donc pas pour autant d’un discours psychotique où le langage sombrerait.
Simplement, la langue abandonne son rôle symbolique pour n’être que le mouvement mobile de processus pulsionnels qui se lâchent au bord du vide ou une sorte de fin programmatique.
Pennequin y inscrit des unités verbales perdues d’un secret originel, familial mais pas seulement, en une profondeur quasi cryptonomique.
Mais du père ancien ‚qui peut prétendre connaître la victoire ?
jean–paul gvard-perret
Charles Pennequin, Père ancien, éditions P.O.L, 2020, 192 p. — 19,00 €.
« j’ai fait ce rêve du père il erre dedans cette ruine / intime la nuit titube les soucoupes pleines… »
« Père en fuite / dans mon pire / c’est le temps / mal signé / mal soignant. »
Pennequin le poétise si bien ce père qui apostrophe le secret JPGP et la liseuse Villeneuve !