Jean-Luc Cornette & Jürg, Fleur de Tonnerre

La pire tueuse en série de l’Histoire de France

Chaque pays a sa folie. La Bre­tagne les a toutes.” C’est avec cette réflexion de Jacques Cam­bry, le fon­da­teur de l’Aca­dé­mie cel­tique en 1804, que s’ouvre l’album. Cette société existe encore de nos jours sous le nom de Société natio­nale des anti­quaires de France.

Sur une lande bre­tonne, Hélène Jégado, est sans cesse rabrouée par sa mère qui lui assène toutes des super­sti­tions rela­tives aux plantes, aux fleurs. Elle lui révèle que les baies de bel­la­done sont un poi­son mor­tel lorsque la petite fille veut en por­ter à sa bouche. Elle a sept ans quand son aca­riâtre mère décide de l’appeler Fleur de Ton­nerre.
Deux per­ru­quiers nor­mands, qui par­courent le pays pour ache­ter des che­veux longs, font les frais d’une super­sti­tion.
Et Hélène découvre la légende de l’Ankou avec sa char­rette aux essieux grin­çants. Avec des baies de bel­la­done, elle essaie d’empoisonner une autre fillette. Elle réus­sit avec sa mère. Son père, ne pou­vant s’occuper seul de la pauvre ferme, part sur les routes, confiant la gamine à sa mar­raine, employée au pres­by­tère de Bubry. C’est le point de départ d’un périple meur­trier à tra­vers une large par­tie de la Bretagne.

De pres­by­tères en cures, de mai­sons bour­geoises en pas­sant chez une bande de nau­fra­geurs, Hélène, cui­si­nière douée, va semer la mort dans la Bre­tagne de cette pre­mière moi­tié du XIXe siècle. La région est pétrie de légendes, de super­sti­tions, sou­mise à une conver­sion for­cée au catho­li­cisme.
Jean-Luc Cor­nette a repris le roman de Jean Teulé paru en 2013 chez Jul­liard. Celui-ci livre une bio­gra­phie roman­cée de cette femme, excel­lente cui­si­nière au demeu­rant, qui sème la mort par empoi­son­ne­ment. Elle sera accu­sée d’avoir tué trente-sept per­sonnes sans comp­ter ceux qui ont pu décé­der par ses soins sans que l’on puisse la soup­çon­ner de meurtre. Elle est guillo­ti­née à Rennes, le 23 février 1852.
Jean-Luc Cor­nette s’attache à décrire le funeste par­cours de la pay­sanne, retra­çant les prin­ci­paux emplois tenus et les vic­times de ses plats et pâtis­se­ries. Si elle débute avec la bel­la­done, elle a l’occasion de mesu­rer les effets de l’arsenic qui devient alors son épice favo­rite.
L’humour ne perd pas ses droits tant dans des dia­logues que des situa­tions, ainsi que dans le cata­logue fourni des super­sti­tions et croyances religieuses.

Le des­sin et la mise en cou­leur sont l’œuvre de Jürg. Il a choisi un style gra­phique proche de celui uti­lisé pour les gra­vures bre­tonnes du XIXe siècle avec un trait sou­tenu, des teintes ren­dant à mer­veille les lumières de cette région tant à l’extérieur, sur les landes ou au bord de l’océan que dans les inté­rieurs des demeures.
On suit avec inté­rêt les tri­bu­la­tions de cette femme, de son enfance à son exé­cu­tion, un récit syn­thé­tisé avec art et mis en images de belle manière.

serge per­raud

Jean-Luc Cor­nette (scé­na­rio d’après le roman de Jean Teulé), Jürg (des­sin et cou­leur), Fleur de Ton­nerre, Futu­ro­po­lis, octobre 2020, 120 p. – 20,00 €.

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