Quand les plus horribles des crimes…
Avec Piège à loup, Gunnar Staalesen propose la dix-neuvième apparition de son enquêteur fétiche dans un thriller très noir par le thème, par les composantes de l’intrigue, par la capacité d’absorption d’alcool du personnage principal ainsi que les conséquences de celle-ci.
Varg Veum, détective privé à Bergen en Norvège, est tiré de son lit par deux inspecteurs qui l’amènent devant Jakob Hamre, le responsable de la police. Ils se connaissent bien, tous deux sont proches de la retraite. Veum est accusé de faire partie d’un réseau de pédopornographie. Des documents accablants ont été retrouvés sur son ordinateur. Il ne comprend pas. Mais, il vient de vivre quatre années terribles, depuis la mort de Karin, la femme de sa vie. Il a sombré dans l’aquavit et sa mémoire comporte de très nombreuses failles.
Il fait appel à Vidar Waagenes, un avocat, pour étayer une défense. Il lui faut rechercher dans son passé qui veut se venger de lui. Or un brouillard épais pèse sur ces dernières années.
La justice le place en détention provisoire pour quatre semaines. Il a le temps de faire ressurgir des affaires difficiles, comme celle de ces échéances d’assurance impayées qui va déboucher sur une présomption de crime, cette affaire de mari désirant connaître les faits et gestes de son épouse quand il est absent et qui finit par un suicide. Peu à peu, il fait remonter des bribes de souvenirs terribles.
Alors qu’il ne maîtrise que le B.A– BA de l’informatique, il traque des liens avec des gens maîtrisant cette technologie et qui voudraient…
Avec son détective, qui promène un tempérament sombre au fil des romans, Gunnar Staalesen fréquente les zones les moins riantes de la belle Norvège. Il est à Bergen, la seconde ville du pays située à l’ouest et qui se considère comme un peu extérieure au dit pays.
Gunnar Staalesen met en scène les bas-fonds, donnant une vision plus réelle de cette société que l’on présente comme une référence en matière de progrès et d’ordre social avec une économie florissante.
Cette fois, il explore la bauge où se vautrent acteurs et pourvoyeurs de pédopornographie. Il détaille les réseaux, les motivations des clients, les façons utilisées pour contraindre les victimes.
Il raconte, dans ce roman paru en 2014, les problèmes des enfants déplacés, ceux qui sont recueillies dans des foyers, proies potentielles de prédateurs qui savent où se servir.
L’intrigue est fort bien construite et le personnage principal doit faire preuve de toute sa lucidité, presque retrouvée, pour mener à son terme une enquête très difficile à tous les points de vue. Il est accusé, enfermé dans la prison de Bergen. Un concours de circonstances lui donne l’occasion de filer.
Pour prouver son innocence, il va devoir, seul, échapper aux forces de police et aux membres zélés du réseau de prostitution qui tous veulent lui mettre la main dessus, mais pas pour le même usage.
Le romancier, qui est né et qui vit à Bergen, décrit sa ville, détaille les parcours du héros. Mais des cartes de la cité et des environs, en introduction, auraient été les bienvenues pour mieux se représenter les tribulations de Varg Veum.
Le titre fait référence à un jeu de mots, en norvégien, avec le patronyme du personnage.
Piège à loup se lit avec beaucoup d’intérêt car le romancier maîtrise l’art du conteur, use, malgré la noirceur du sujet, d’un bel humour et sait constituer, pour une solide intrigue en tension, une galerie de protagonistes qui retient l’attention.
serge perraud
Gunnar Staalesen, Piège à loup (Ingen er så tryggi fare), traduit du norvégien par Alex Fouillet, Folio n° 921, coll. “Policier”, novembre 2020, 448 p. – 8,50 €.