Philippe Mugnier, L’homme au balcon

Ce qui échappe habi­tuel­le­ment

Sous titré “Chro­niques d’un Savoi­sien”, ce livre est l’histoire (abon­dam­ment illus­trée) du grand-père de l’auteur dont il n’a pas connu le pré­nom pen­dant long­temps puisque tous l’appelaient “Le Lyon­nais”.
Il le connais­sait, en dehors des témoi­gnages des siens, par un por­trait à “la pose tra­vaillée, son élé­gant cos­tume trois-pièces, sa montre à gous­set, son regard sévère” qui tra­his­saient la “condi­tion bour­geoise d’un cita­din apprêté et qui jouis­sait des délices de la respectabilité”.

La chambre de l’aïeul avec tous ses “fan­tômes mis sous cadre” fut pour l’enfant un refuge. Mais, au-delà de cette pièce, l’ambiance dérou­tante, ce grand-père est devenu un “tuteur dérou­tant” dont l’auteur exhume les tré­sors (au moment où la ferme doit dis­pa­raître) avec un regard aussi mali­cieux et curieux que celui dont il retrace l’existence mou­ve­men­tée entre Lyon et les pays de Savoie.

Philippe Mugnier pro­pose ainsi une étrange auto­bio­gra­phique qui est l’inverse de ces auto­fic­tions qui rem­plissent les rayon­nages des librai­ries.
Il nous tend son livre comme un miroir qui ramène aux ori­gines de son écri­ture, à ses grandes émo­tions d’enfants sui­vies ensuite par d’importantes recherches historiques.

Existe là une idée de la lit­té­ra­ture comme lieu d’exposition extrême de ce qui échappe habi­tuel­le­ment. Ce grand-père inconnu (puisque mort en 1907) prouve que son absence est une pré­sence presque “abso­lue” au sein d’une his­toire éco­no­mique, poli­tique et sociale.
Preuve que ce que Pierre Michon nomme les “Vies minus­cules” non seule­ment est par­fois à l’origine de l’écriture mais aussi à la base de la néces­sité de vivre une propre vie.

Contre le mutisme, la réap­pa­ri­tion du grand-père sur le devant de la scène est radieuse au moment où l’histoire “vraie” devient un roman.
Il s’offre à lire à la fois comme une vie ima­gi­naire et une médi­ta­tion sur le temps et l’histoire d’une région et de celles (les femmes ont ici une grande impor­tance) et ceux qu’on nomme “petites gens”.

jean-paul gavard-perret
 
Phi­lippe Mugnier, L’homme au bal­con, 2020, 272 p. — 39,90 €.
 

 

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