Ce qui échappe habituellement
Sous titré “Chroniques d’un Savoisien”, ce livre est l’histoire (abondamment illustrée) du grand-père de l’auteur dont il n’a pas connu le prénom pendant longtemps puisque tous l’appelaient “Le Lyonnais”.
Il le connaissait, en dehors des témoignages des siens, par un portrait à “la pose travaillée, son élégant costume trois-pièces, sa montre à gousset, son regard sévère” qui trahissaient la “condition bourgeoise d’un citadin apprêté et qui jouissait des délices de la respectabilité”.
La chambre de l’aïeul avec tous ses “fantômes mis sous cadre” fut pour l’enfant un refuge. Mais, au-delà de cette pièce, l’ambiance déroutante, ce grand-père est devenu un “tuteur déroutant” dont l’auteur exhume les trésors (au moment où la ferme doit disparaître) avec un regard aussi malicieux et curieux que celui dont il retrace l’existence mouvementée entre Lyon et les pays de Savoie.
Philippe Mugnier propose ainsi une étrange autobiographique qui est l’inverse de ces autofictions qui remplissent les rayonnages des librairies.
Il nous tend son livre comme un miroir qui ramène aux origines de son écriture, à ses grandes émotions d’enfants suivies ensuite par d’importantes recherches historiques.
Existe là une idée de la littérature comme lieu d’exposition extrême de ce qui échappe habituellement. Ce grand-père inconnu (puisque mort en 1907) prouve que son absence est une présence presque “absolue” au sein d’une histoire économique, politique et sociale.
Preuve que ce que Pierre Michon nomme les “Vies minuscules” non seulement est parfois à l’origine de l’écriture mais aussi à la base de la nécessité de vivre une propre vie.
Contre le mutisme, la réapparition du grand-père sur le devant de la scène est radieuse au moment où l’histoire “vraie” devient un roman.
Il s’offre à lire à la fois comme une vie imaginaire et une méditation sur le temps et l’histoire d’une région et de celles (les femmes ont ici une grande importance) et ceux qu’on nomme “petites gens”.