Tiffany McDaniel, Betty

Portraits de vies, sor­dide et magnifique

« Betty est la fille d’une femme aussi insai­sis­sable qu’un rêve et d’un père che­ro­kee qui fabri­quait son propre alcool de contre­bande et créait ses propres mythes », véri­table « ency­clo­pé­die des plantes ».
C’est ainsi que l’auteure pré­sente le per­son­nage prin­ci­pal qui est aussi la nar­ra­trice de son livre.

Préci­sons que Betty Car­pen­ter est la mère de l’auteure. Née dans les années 1950, cette « Petite Indienne », comme l’appelle affec­tueu­se­ment son père, ne tarde pas à prendre conscience de sa dif­fé­rence.
Dans la fra­trie des six enfants Car­pen­ter vivants, c’est elle qui a hérité des che­veux et de la peau sombres de son père et de ses ancêtres amé­rin­diens, ce qui lui vaut les insultes et autres bri­mades de ses cama­rades de classe et le mépris de ses instituteurs.

Mais la vio­lence n’est pas l’apanage des blancs, dans ce récit, ni celui des étran­gers à la famille, fina­le­ment ins­tal­lée dans une petite ville ima­gi­naire de l’Ohio, puisque les secrets des tour­ments inavouables intra­fa­mi­liaux sont révé­lés volon­tai­re­ment ou non à Betty tout au long du roman.
Pas plus qu’elle, je ne m’autoriserai à les divul­gâ­cher ici et la seule façon que l’enfant qu’elle est alors trouve de les exté­rio­ri­ser – et pour elle, c’est une ques­tion de sur­vie –, c’est de les écrire sur des feuillets qu’elle enterre.

Ce pre­mier roman, dont on sent des échos intimes très forts chez l’auteure, aurait pu, vu les évé­ne­ments racon­tés et les situa­tions décrites, tom­ber dans le piège du pathos, des sté­réo­types et/ou du gore, des écueils que Tif­fany McDa­niel évite grâce d’abord à une gale­rie de per­son­nages com­plexes et atta­chants cha­cun à sa manière (men­tion spé­ciale au père, Lan­don, qui trans­met à Betty l’héritage de ses ancêtres et le goût des his­toires) et à une écri­ture à la fois des­crip­tive, effi­cace, par­fois crue, et pour­tant sou­vent belle et poétique.

De cette façon, l’auteure clame que l’écriture est un espace de liberté et à la fois un moyen d’exprimer la force des femmes et la preuve qu’elles ne sont pas des vic­times mais des êtres debout.
Un livre sur le pas­sage de l’enfance à l’âge adulte qui réus­sit à émou­voir, à empor­ter, à sus­ci­ter l’indignation.

agathe de lastyns

Tif­fany McDa­niel, Betty, tra­duit de l’anglais (US) par Fran­çois Happe, Gall­meis­ter, août 2020, 720 p. – 26,40 €.

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