Christine Beigel emmène les lecteurs les plus jeunes en Inde, alors que les plus âgés ont le droit à des vacances à la neige
Christine Beigel est une auteure prolifique à l’imagination fertile et à la plume aussi aisée que délicieuse. Elle fait actuellement la joie de nombreux lecteurs avec la saga Lila & Lin dans le quartier de Belleville à Paris. Aventures à la mode asiatique à base de kung-fu entre triades opposées avec, au milieu, un inspecteur Colombo au verbe fleuri. Ici, deux romans aux dimensions différentes avec, dans la collection “Souris noire”, La Course aux fantômes qui nous emmène dans un monde noir-rose tendance Bollywood et, dans la collection destinée aux plus grands, “Rat noir”, on plonge réellement dans ce que le noir a de plus glauque.
Benjamin vient d’avoir 13 ans, et c’est un drôle de cadeau d’anniversaire que lui apporte son papa : il choisit ce jour-là pour lui annoncer qu’il a un grand frère qui habite en Inde, né d’un premier mariage. Et son papa ne lui propose pas moins que d’aller à sa rencontre, là-bas, et de découvrir son monde, celui de Sanjee. Benjamin ne veut rien savoir jusqu’à ce qu’il entende son frère au téléphone, alarmé, et qui leur demande de ne surtout pas venir. Benjamin est têtu. En fait, il ne fallait pas grand-chose pour le convaincre. Car Benjamin a hâte de découvrir ce jeune homme, passionné de cerfs-volants et qui a les mêmes yeux que lui. D’autant qu’il est temps pour Benjamin d’exorciser certains de ses démons. Il a surpris un cambrioleur devant sa porte et n’a pas vu son visage. Depuis, un voleur au visage effacé reveint le hanter chaque nuit. Une fois arrivés en Inde, Benjamin et son père se lieront amitié avec un Belge aux tenues bariolées. Mais très vite, Benjamin le prendra en grippe. En attendant de retrouver son frère, il voyage à la rencontre des lieux où son père et sa première femme ont vécu une passion véritable.
La Course aux fantômes est une belle histoire qui finit bien, à lire dès 11 ans. Christine Beigel nous emmène à la découverte de l’Inde, de son cinéma, de ses trésors architecturaux et de ses traditions parfois obscures –le fameux système de castes notamment. L’Inde, qui passionne, qui impressionne, qui se partage entre richesse des yeux et grande pauvreté des gens, est merveilleusement dépeinte. Et ce roman est aussi source de promesses avec la rencontre inespérée de deux demi-frères amenés à se revoir intensément. Un beau récit dénué de prétentions moralisatrices, qui est un message d’amour et d’espoir.
La collection “Rat noir” est destinée aux plus âgés, et ça se sent. À 14 ans, on commence à lire des livres pour “adultes”, et on se forge son propre esprit critique. Le contraste avec La Course aux fantômes est fort. Si dans le premier, tout était bien qui finissait bien, Piste noire, est très sombre ; on touche le fond. Au cours d’une nuit dans un train, Christine Beigel révèle tout le sordide d’une bande de jeunes, mais aussi tout ce que l’âme humaine a de lâche et qui peut expliquer qu’un jour, dans le RER, une jeune fille se fasse violer au vu de tout le monde sans que personne réagisse. Piste noire est un roman aussi beau que dur et triste. Beau par son écriture, dur par ce qu’il raconte et triste parce que la belle Créole ne peut manquer de nous émouvoir.
Manou Rivière vient de la Réunion. Manou, c’était le nom d’une dépression cyclonique apparue lorsqu’elle est née. Elle a la garde de deux petits monstres — ou anges, au choix, Julie et Noé. Et la plus grande, qui est aux sports d’hiver avec son papa, a insisté pour que Manou les rejoigne. L’adolescente prend donc ses quartiers dans le compartiment d’un wagon-lit pour Saint-Gervais. Le hasard va la mettre sur la route de trois adolescents gâtés et arrogants qui ont fait provision de bière et de whisky. S’ils prévoient de faire du hors-piste avec leurs planches de surf, l’alcool qu’ils boivent durant le trajet va les amener sur la mauvaise pente. Tout d’abord, ils incitent Manou à boire en leur compagnie, puis les mains baladeuses se font de plus en plus pressantes alors que Corentin, l’un des ados, est à la lisière du coma éthylique. Manou cherche à se réfugier derrière un livre de Malcom Lowry, mais ils ne l’entendent pas de cette manière. Surtout Mickey dont la violence intérieure qu’il dégage devient incontrôlée. À Saint-Gervais, la tempête fait rage et les routes sont complètement obstruées par la neige. Les communications téléphoniques passent très mal, et à la gare, personne pour répondre…
julien vedrenne
Christine Beigel, La Course aux fantômes, Syros coll. “Souris noire”, janvier 2007, 166 p. — 6,50 €.
Christine Beigel, Piste noire, Syros coll. “Rat noir”, mars 2006, 122 p. — 9,00 €.