Un roman aussi atypique que plaisant
Elvis a-t-il voulu tuer John Wayne et tenter de violer Marilyn Monroe ? Yann Gray et son groupe essaient de cerner la vérité, hésitant à mettre Elvis en garde à vue, bien que Wayne soit entre la vie et la mort à l’hôpital Pompidou. Le drame s’est produit au terme d’un concours de sosies.
Le groupe de policiers est également chargé d’élucider la disparition de François Dampierre, le directeur des programmes d’une chaîne de la TNT, Plein Écran.
Yann vit dans un studio au-dessus de l’appartement de Valentine, les deux logements communiquant par une trappe, dans le sol ou le plafond selon le niveau.
Si les policiers tentent de discerner le vrai du faux, le niveau de jalousie entre Elvis et John, les circonstances de la bagarre dans ce petit matin où le mauvais alcool avait circulé à flot, il leur faut retrouver Dampierre. Celui-ci a été kidnappé par un étrange trio qui a bien du mal à gérer le prisonnier.
Yann intègre l’univers de la télévision, de l’animateur au producteur, du concepteur au décideur. Il semblerait que l’affaire tourne autour de La Bourse et l’Esprit, une émission de jeu qui, si elle n’est pas arrêtée, sera profondément modifiée…
Le romancier invite ses lecteurs à découvrir deux univers peu connu, le milieu des sosies et l’arrière-cour des jeux télévisés.
Si le déroulement de l’intrigue reste assez classique avec des recherches d’indices, des interrogatoires divers et variés, le bel attrait du roman réside dans les à-côtés. Déjà, au niveau de personnages, avec une galerie construite avec soin pour une belle brochette de protagonistes attachants, aux capacités et caractères particuliers.
Toute l’intrigue est portée par Yann Gray, ce policier que l’on retrouve ici, aux prises avec une palanquée de sosies et des gens de télévision aux comportements peu reluisants. Yann est un enquêteur atypique à la vie bien particulière. Il a reçu, lors d’une intervention musclée, une balle dans la tête qui, dans les premiers mois, lui a ôté tout sens de l’odorat. Un rétablissement inattendu l’amène, maintenant à une hyper olfaction.
Gravement blessé, il est tombé devant une galerie d’art tenue par Valentine qui partage, avec son fils Robin, curieusement sa vie. La mère de celle-ci est férue d’origami et enseigne ses techniques à son petit-fils. La propre mère de Yann, qu’il contacte souvent, est dans un établissement spécialisé, souffrant du syndrome d’Alzheimer.
Le récit, touchant, est mené avec virtuosité et beaucoup d’humour. Même les méchants sont truculents. Mais tout ceci n’évite pas le drame et la mort s’invite dans la partie. Yves Hugues aborde de nombreux domaines dans ses apartés. Outre les plis utilisés en origami, il fait une belle description des mouches et de leur utilisation, il évoque l’Hébertisme, les techniques du survivalisme…
Il explicite le choix de son titre, le comportement que ce terme induit et précise que c’est aussi le nom donné au premier animal domestique cloné, un chat de gouttière. Il décrit, en quelques pages, avec une justesse remarquable, les attitudes navrantes de ces couples de candidats qui participent à des jeux télévisés. C’est affligeant !
On ne peut que regretter que cette fichue camarde ait encore frappé un auteur de talent. Le romancier est décédé, en juin 2020, à l’âge de soixante ans.
Avec Pâle copycat, Yves Hugues a signé un livre au déploiement aussi atypique que la plupart de ses personnages, mais si passionnant, émouvant et d’une belle drôlerie, à la chute très difficile à appréhender.
serge perraud
Yves Hugues, Pâle copycat, L’aube, coll. “Noire”, novembre 2020, 216 p. – 17,90 €.