Cahiers Tinbad, n°10 : Skakespeare and Co

La parole à venir

La revue de Guillaume Bas­quin tient désor­mais dans l’univers de la revue le rôle qu’occupèrent “Tel Quel” et “Change” en leur temps. Certes, le monde des revues n’est plus aussi flam­boyant et reconnu qu’il ne le fut dans le siècle der­nier.
Mais “Tin­bad” retrouve une éco­no­mie idéale. Existe une thé­ma­tique de base (Sha­kes­peare ici) et aussi des digres­sions intem­pes­tives qui tra­versent divers champs et espaces de création.

La revue fait appel à des voix qui furent pré­sentes dans ce qui fut l’avant-garde (Minière) mais sur­tout prend notre temps et son idéo­lo­gie à rebrousse-poil. Existent là des réha­bi­li­ta­tions des rabroués de l’histoire lit­té­raire.
Non seule­ment avec la repu­bli­ca­tion d’un superbe entre­tien avec  de Faulk­ner mais avec celle d’une lettre tes­ta­men­taire de Saint Exu­péry. S’y ajoute la  revi­si­ta­tion — au sens pre­mier du terme — de Richard Millet par Bas­quin lui même dans un texte superbe, cir­cons­tan­cié et tout en finesse.

La pein­ture n’est pas oubliée. Sou­tine est rééva­lué dans ses gestes sal­va­teurs créa­teurs d’étranges fan­tômes. Fou­jita sort des spé­cu­la­tions oiseuses de Dagen remis ici à sa juste place — c’est-à-dire pas très hautes. Quant à Tris­tan Félix et Cauda, ils pour­suivent ici leurs vati­ci­na­tions faus­se­ment far­cesques par leur men­tir vrai là où “queue entre les jambes Dieu se gratte le ciel”. Que deman­dez de plus ?

Néan­moins, la revue ne s’arrête pas en si bon che­min : de la comé­die sexuelle du pou­voir selon Sha­kes­peare révi­sée par Rachet au bon (ou plu­tôt) mau­vais usage de la cri­tique par Ernest Hello.
L’auteur rap­pelle qu’elle glo­ri­fie le plus sou­vent le médiocre dans ses “enthou­siasmes offi­ciels” en oubliant de par­ler de ce qui bouge, à savoir et entre autres de ce que les édi­tions “Tin­bad” proposent.

Mais les mou­ve­ments de la revue inquiètent pro­ba­ble­ment ceux qui ont trans­formé la réelle défense de ce qui remue en une sacra­li­sa­tion des “niai­se­ries accou­tu­mées et des timides inep­ties”. Ici, à l’inverse, les sot­tises n’existent pas et les auteurs réunis cherchent dans le passé (Rim­baud com­pris) comme le pré­sent la parole à venir.
Celle qui répond au réel comme aux grands aînés de manière aussi brillante qu’eux.

Des idées naissent de telles magies.

jean-paul gavard-perret

Cahiers Tin­bad, n°10 : Ska­kes­peare and Co , Paris, 2020, 128 p. — 16,00 €.

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