Juillard — Carnets secrets (2004 – 2020)

Quel talent !

Des des­sins, encore des des­sins, tou­jours des des­sins. C’est par ces mots, en bas de trois planches de nus fémi­nins, de bret­teurs, d’un pay­sage mari­time, que débute la pré­sen­ta­tion d’une par­tie du tra­vail secret d’André Juillard.
Dans une intro­duc­tion écrite pour 36 vues de la Tour Eif­fel, il avait expli­qué son besoin de des­si­ner, son envie de mettre sur du papier, avec un simple crayon de bois, ce qu’il voit, ce qu’il res­sent, ce qu’il découvre, ce qu’il ima­gine, ce qu’il admire de la nature sous toutes ses formes : “…le besoin irré­sis­tible de témoi­gner de la séduc­tion de ce qu’il voit…

Avec Entracte, une bio­gra­phie en images parue en 2006, le lec­teur charmé pou­vait décou­vrir à la fois une facette incon­nue de l’auteur et les recherches, esquisses de ses bandes des­si­nées comme Le Cahier bleu, Les 7 Vies de l’Épervier, Blake et Mor­ti­mer
Il s’agissait de des­sins, cro­quis, maquettes que l’auteur jetait sur le papier pour le plai­sir de dessiner.

André Juillard mul­ti­plie cet exer­cice, ayant besoin de des­si­ner autant que de res­pi­rer. Ces des­sins, s’ils sont l’expression de son talent, montrent aussi la somme colos­sale de tra­vail de ce créa­teur qui ne s’arrête jamais. S’il a long­temps fait ses études pré­pa­ra­toires sur des feuilles volantes, depuis le début des années 2000, il mul­ti­plie les car­nets, les rem­plis­sant par dizaines !
C’est une par­tie de ceux-ci qui sont pré­sen­tés dans ce luxueux volume, luxueux dans tous les sens du terme, dans l’approche du talent de ce des­si­na­teur pro­di­gieux, dans la réa­li­sa­tion phy­sique de ce recueil.

Ces car­nets sont anno­tés. Il en iden­ti­fie l’achat, le lieu, la date, voire la matière. Ainsi, ce sont les cro­quis réa­lisé sur un car­net vert acheté à Bue­nos Aires, en mars 2004, qui ouvrent l’ouvrage avec quelques nus.
Le lec­teur pénètre donc dans l’univers d’André Juillard à tra­vers des extraits de dix-sept car­nets, de com­pi­la­tions de feuilles de calque, de feuilles de couleurs.

Ce sont des tra­cés, des sil­houettes, des des­sins plus éla­bo­rés en noir et blanc avec de l’estompe, avec des touches de cou­leurs, de san­guine, voire un tra­vail plus appro­fondi à la plume. Chaque page épous­toufle que ce soit du pur Juillard ou qu’il s’inspire de sources diverses comme, par exemple, Ingres, Wat­teau, Hel­mut New­ton, Klimt, Dali, Moe­bius…
On retrouve l’esprit de ce der­nier. D’ailleurs, dans le car­net gris de 2008, en mars 2012 il des­sine un bel hom­mage à Jean Giraud le jour de sa mort.

L’ins­pi­ra­tion est très éclec­tique, mais on y retrouve, en nombre, ses héroïnes : Ariane, Louise, Eve, Lena… des pay­sages, des monu­ments, des spor­tifs, des por­traits, des nus fémi­nins qui rendent un bel hom­mage à la plus réus­sie des créa­tures humaines.
Il faut saluer le beau tra­vail réa­lisé par les Édi­tions Daniel Maghen et celui de Vincent Odin pour sa concep­tion et sa mise en pages.

Ce recueil per­met de mesu­rer, si besoin était, tout le génie de ce des­si­na­teur, une belle vision de ce qu’il sait faire. Ne dit-on pas de lui qu’il est capable de tout des­si­ner ? Cet album le prouve !
C’est une mer­veille à glis­ser sous le sapin de tous les amou­reux de la beauté.

serge per­raud

Juillard — Car­nets secrets (2004 – 2020), Edi­tions Daniel Maghen, novembre 2020, 412 p. – 59,00 €.

Leave a Comment

Filed under Arts croisés / L'Oeil du litteraire.com, Beaux livres, Chapeau bas

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>