Une belle fantasy made in France
Sur fond de magie, d’ésotérisme, de sorcellerie, mais aussi d’écologie et de philosophie, Xavier Dorison revisite la fantasy, offrant une histoire magnifique autour de l’éternel combat du Bien et du Mal. Mais le manichéisme n’est pas de mise et les rapports, les liens entre les membres de deux entités sont mêlés, la frontière entre les deux mondes est perméable.
Le scénariste commence à éclairer la lanterne des lecteurs et apporte quelques réponses aux interrogations légitimes soulevées lors de la progression dans le récit des deux premiers tomes. Il plonge dans le passé, un passé fort lointain, fait état d’événements plus récents comme des actes accomplis pendant la Commune de Paris.
C’est au début du XXe siècle que se situe l’action de la série quand la comtesse Aristophania Bolt prend sous son aile Basile, Victor et Calixte, trois orphelins. Elle les emmène dans son domaine, en Provence. Or, le Sud de la France est le lieu d’affrontements séculaires entre le Cour d’Azur, dirigée par la Reine, et la Cour Sombre menée par le Roi banni, deux sociétés secrètes dont les maîtres sont dotés de puissants pouvoirs.
Lorsque s’ouvre ce troisième et avant-dernier tome, la situation est critique pour la Cour d’Azur. Basile est sous le charme de la séduisante Garance, une complice du Roi banni. Victor est tombé dans une cuve du poison fabriqué par la Cour Sombre pour détruire l’Azur. Calixte a mystérieusement disparue dans le bassin du château.
Un groupe de six personnes, les six derniers chevaliers d’Azur, progresse dans les égoûts, vers le refuge du Roi banni. Celui-ci les traite de traîtres et les élimine facilement.
Calixte, qui a suivi le courant, émerge dans une fontaine au cœur d’un village. Victor est repêché par des ouvriers. Ayant recraché le poison, il est récupéré par la comtesse. Quand à Basile, ballotté entre ses sentiments pour sa famille et pour Garance…
Le Roi banni passe à l’attaque et le groupe des fidèles de l’Azur se restreint tragiquement. La comtesse n’a plus qu’une solution pour sauver la Cour d’Azur : trouver la Source Aurore avec l’aide des orphelins…
Avec une galerie de personnages particulièrement étudiée, aux membres aussi attachants que repoussants, le scénariste donne une belle vue d’une large population. Il faut noter que ce sont essentiellement des gens du peuple ou des individus qui se fondent dans celui-ci, exerçant des métiers manuels comme le faisait le père des orphelins, comme le fait la Reine d’Azur…
La situation de la classe ouvrière n’est pas passée sous silence et Xavier Dorison enrichit son récit avec un fond philosophique passionnant, citant des penseurs grecs et orientaux.
Le dessin de Joël Parnotte est impeccable. Il propose des planches à la mise en scène tonique, faisant état d’une maîtrise de son art dans le dessin réaliste. Les décors sont soignés et le contraste entre le monde d’Azur avec des paysages, des éléments naturels et celui de Sombre directement inspiré de gravures réalisées à la fin du XIXe début du XXe siècle est frappant et parlant. Ses dessins détaillés servent une mise en page très créative, renouvelant un trop fréquent classicisme. Ses personnages, campés avec brio, sont bien identifiables et toutes leurs gestuelles sont adroitement restituées.
La mise en couleurs de Bruno Tatti s’accorde fort joliment avec les différentes ambiances à restituer. Celle-ci n’est pas étrangère à la qualité du graphisme.
Un troisième tome qui assoie un peu plus l’attrait que présente cette série tant pour ce récit aux qualités narratives et créatives passionnantes que pour son graphisme qui séduit le regard.
lire un extrait
serge perraud
Xavier Dorison (scénario), Joël Parnotte (dessin) & Bruno Tatti (couleurs), Aristophania – t.03 : La Source Aurore, Dargaud, octobre 2020, 64 p. – 15,00 €.