Poétique de l’ordure
Sandro Lombardo transforme la “Ville Eternelle” dans un art volontairement “déceptif”. Quittant ou modifiant le coeur historique de la cité, parcourant ses faubourgs il montre ce qui fait de Rome une “immonde cité” baudelairienne.
Le photographe dresse le constat d’une perte de civilité, du mépris du bien public, de la négligence, du désordre. A la poétique des ruines succède celle du déchet, de l’ordure.
Rome devient ici non identifiable tant elle s’éloigne de l’image touristique stéréotypée. Elle est encombrée de restes, de gadgets dérisoires, de graffitis, de détritus adossés aux murs des monuments ou sous les aqueducs de la banlieue.
Il ne faut pour autant parler de néoréalisme car existe toute une poétique de la maculation inhérente à une époque où beaucoup de Romains ne se sentent plus solidaires de leurs murs.
Sans doute sont-ils à eux-mêmes la matière de leur perdition. Ils n’éprouvent plus la présence des fantômes d’une histoire ancienne et deviennent des errants parmi ces ombres appesanties.
Peu à peu, ils glissent dans l’abandon et créent leurs propres ruines contre celles du passé.
Les nouvelles n’auront pas l’élan de celles qui font encore la gloire de la ville. Existe dans de telles images où tout se défait une sorte d’entente tacite avec la mort.
Voilà pourquoi Lombardo photographie. Il témoigne d’un état des lieux et ses images, dans le chiendent de leurs traces, montrent ce que les mots ne peuvent pas exprimer.
jean-paul gavard-perret
Sandro Lombardo, Roma, 2020.