Ludovic Lancien, Les oubliés de Dieu

Un thème peu courant 

C’est un roman noir, très noir, qui n’épargne per­sonne. Si le thème prin­ci­pal concerne des humains exclus d’une vie « nor­male », ces « oubliés de Dieu » à cause de leur méta­bo­lisme, de leur évo­lu­tion phy­sique dif­fé­rente, le reste des pro­ta­go­nistes n’est pas mieux loti, tels les membres de l’équipe poli­cière.
Si, en temps nor­mal « la vie n’est pas un long fleuve tran­quille », le roman­cier passe au tor­rent tumul­tueux pour cer­tains de ses inter­ve­nants. Entre un passé com­pli­qué et trau­ma­ti­sant, entre des situa­tions fami­liales dégra­dées, dou­lou­reuses, les per­son­nages souffrent

En pro­logue, un jeune gar­çon, sous la cani­cule de juillet, a les yeux brû­lés par le soleil alors que son épi­derme se liqué­fie.
Caro­line, deman­dée la veille en mariage par Marc, arrive chez le Dr Richard Mie­vel où elle office comme secré­taire médi­cale. Un patient est déjà là. Elle ouvre la porte du cabi­net, découvre le corps déchi­queté de son employeur et s’évanouit.
Le com­man­dant Blasco, du Bas­tion, et son équipe sont char­gés de l’affaire. Outre le chef, dit Le Bélier, le groupe est com­posé de Gabriel Darui, Noé­mie Egawa et Jérémy Perrin.

Dans l’œil crevé le légiste trouve un petit escar­got. Der­rière le paravent, un pentacle à tête de bouc a été des­siné et une forte odeur d’urine retient l’attention, d’autant que celle-ci a une cou­leur peu com­mune. Si le télé­phone a l’écran fra­cassé, un mes­sage enre­gis­tré en brouillon se laisse lire mais le des­ti­na­taire reste inconnu. Sur l’agenda un nom et un pré­nom sont entou­rés d’un trait ner­veux, ponc­tués de points d’exclamation.
Gabriel et Jérémy sont char­gés de pré­ve­nir  l’épouse du défunt. Ils trouvent Sophie Mie­vel en colère. Elle finit par leur ouvrir le bureau de son mari, dont le contenu sur­prend les enquê­teurs. Celui-ci, explique-t-elle, était pas­sionné par les bizar­re­ries du monde, par ce qui reste inex­pli­cable. Il étu­diait les cryp­tides et était féru de téra­to­lo­gie, cette science des monstres.
Mais, ce qu’ils découvrent dans la vie occulte du méde­cin, de la vie de ces êtres atteint de mala­dies, de mal­for­ma­tions, les glacent…

Ludo­vic Lan­cien s’attache à ces êtres sou­mis aux caprices de la nature et à l’exploitation que d’aucuns peuvent en faire. Il brosse un uni­vers mor­bide où l’appât du gain, la bas­sesse, l’immoralité amènent à des situa­tions dra­ma­tiques tant phy­si­que­ment que psy­chi­que­ment. Le roman­cier, en s’appuyant sur la téra­to­lo­gie, donne une vision de cet uni­vers sou­ter­rain, des dérives et des drames qui peuvent se pro­duire.
Il décrit des actions dif­fi­ciles n’omettant aucun détail, ce qui rend cer­taines scènes à la limite du sou­te­nable. Il évoque des expé­riences extrêmes, le tou­risme noir, place des fêlures, des frac­tures, des bles­sures dans les per­son­na­li­tés. On pour­rait pen­ser, après la lec­ture de ce livre, que la voca­tion de poli­cier serait la recherche d’une rémis­sion, d’une rédemption.

En revanche, il décrit avec réa­lisme, avec doigté, la pro­gres­sion de ces mala­dies mor­telles comme le can­cer, leurs avan­cées, l’impuissance à les com­battre, tant de la part du malade que des proches qui enragent d’être inef­fi­caces, de voir l’être aimé s’épuiser de jour en jour.
Avec tous ces élé­ments, Ludo­vic Lan­cien conçoit une intrigue forte, tou­jours en ten­sion, ser­vie par des cha­pitres courts, un pas­sage rapide entre les dif­fé­rents pro­ta­go­nistes et une capa­cité nar­ra­tive appréciable.

serge per­raud

Ludo­vic Lan­cien, Les oubliés de Dieu, Hugo poche n° 255, coll. “Sus­pense”, novembre 2020, 496 p. – 7,60 €.

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