Cette biographie de Churchill est d’autant plus appréciable qu’elle est copieusement nourrie de ses écrits, dont sa correspondance, et de ses traits d’esprit, toujours savoureux, même (voire surtout) quand ils sont assassins.
De son côté, Andrew Roberts ne manque ni d’humour, ni d’empathie, ni de recul à l’égard de son sujet ; la façon dont ces qualités s’équilibrent dans l’ouvrage est remarquable.
On lit avec émotion les chapitres consacrés à l’enfance et à l’adolescence de Winston, d’où ressortent deux constantes : sa vocation précoce de futur sauveur de l’Angleterre, doublée d’une vision prophétique des guerres mondiales à venir, et l’ahurissante froideur, proche du sadisme, de ses parents, couverts de lettres affectueuses qui n’attirent jamais que des réprimandes au malheureux garçon.
On peut penser que si Churchill adulte s’est souvent présenté comme un ancien cancre, c’était justement parce que le corps parental le voyait ainsi (alors qu’en réalité, il était bon élève), et qu’une partie de son ambition, jamais dissimulée, provenait du désir éperdu de s’attirer l’estime de son père – voué à l’échec en raison de la mort précoce de ce dernier.
Le biographe met bien en valeur l’aspect journalistique et littéraire de la carrière du grand homme (correspondant de guerre “le mieux payé du monde“ dès sa jeunesse, p. 52), sa cinéphilie qui l’amena, entre autres, à écrire des scénarios, et l’ensemble de ses talents artistiques, particulièrement impressionnants chez quelqu’un qui était en outre un militaire au courage prodigieux, avant de se muer en homme politique comme on en trouve peu.
Roberts dément, en passant, quelques idées reçues, dont celle que Churchill aurait été constamment ivre (il s’avère que, tout en buvant beaucoup, il ne l’était presque jamais) et qu’il aurait été sénile lors de son dernier mandat.
Pour ce qui est de sa vision et de ses choix politiques, le biographe ne cherche surtout pas à dissimuler les erreurs de Churchill (on en trouve un long récapitulatif, p. 1190), ce qui fait ressortir d’autant mieux ses mérites. On retiendra, entre autres, que Churchill eut de bonne heure une idée adéquate du nazisme et du communisme (deux totalitarismes à combattre), qu’il comprit très vite que Staline l’avait dupé à Yalta, et qu’il prédit presque exactement (à deux ans près) la fin de l’URSS.
Autres traits admirables : son objectivité au sujet de sa défaite électorale après la fin de la Seconde Guerre mondiale, et sa capacité d’apprécier les qualités des travaillistes, en dépit de la rivalité et de leur hostilité souvent très prononcée à leur égard.
Le lecteur en apprendra tant et plus sur le grand homme, au fil des pages, tout en ayant l’impression bienvenue de côtoyer Churchill vivant.
Ce livre fera un excellent cadeau de Noël pour tous ceux qui s’intéressent à l’Histoire ou aux personnages de première grandeur.
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agathe de lastyns
Andrew Roberts, Churchill, traduit de l’anglais par Antoine Capet, Perrin, août 2020, 1320 p. – 29,00 €