Savoir parler du cinéma et le voir
Christian Rosset — spécialiste de Claude Ollier — réunit et présente un recueil de chroniques que l’auteur a tenues sur le cinéma. L’ouvrage prolonge et renouvelle le livre Souvenirs écran publié par Jean Narboni, dans la collection “Cahiers du Cinéma Gallimard” (1982).
Il en étend le choix et le champ et illustre les liens entre l’écriture d’Ollier et le cinéma.
Existent là des zones inconnues qui rappellent La Mise en scène, première fiction publiée d’Ollier et qui ouvrait sur une zone non cartographiée (du Haut-Atlas). Nous retrouvons — entre autres — des textes publiés dans “La Nouvelle Revue française” dans la période 1958–1968. Après, Ollier n’écrira plus sur le cinéma à l’exception d’un article sur Josef von Sternberg, daté de 1970 qui ferme cet ouvrage.
Ollier souligne ce qu’il retient du 7ème art : l’économie d’un récit fondé sur la construction des images, l’attention portée à la lumière et au son. Mais, dans ses critiques, l’auteur fait toujours oeuvre d’écrivain, si bien que le film devient un “pré-texte”. Comme le cinéma, l’écriture de l’auteur veut inscrire des liens d’espace nourris de la “fascination des films (et des) jeux d’écriture et d’enfance”.
Mais se découvrent, de plus, des textes jamais publiés. François Truffaut y apparaît et l’auteur souligne “la petite grammaire nouvelle du langage cinématographique”. Son Jules et Jim est présenté comme un modèle d’adaptation d’un roman (celui de Roché). Et l’auteur précise le rôle de la voix off dans cette oeuvre. Chris Marker lui aussi renaît de ses cendres. Son “cinéma sensible et intelligent” devient l’écho des fictions qu’Ollier publia à l’époque — dont La Mise en scène (1958) et Été indien (1963).
Cuba Si est porté aux nues (à tort ou à raison) car l’objectif du documentaire est “bien moins de montrer, de traiter des multiples aspects de la lutte que d’en faire sentir la nécessité”. Si bien que récit filmique provoque “la” confrontation essentielle qu’il fallait montrer au sein d’ “une interrogation du monde” à travers une de “ses manifestations les plus assurées”.
Quant au film de Resnais sur un scénario de Robbe-Grillet — L’Année dernière à Marienbad (dont dérive le titre du livre) -, Claude Ollier en fut le fan. Mais la brouille entre les deux auteurs des Editions de Minuit explique que cette chronique n’ait pas été publiée pas dans le premier des “Cahiers”.
L’ “oubli“‘ est réparé. L’auteur y remarque “ouvertement la participation du spectateur à l’histoire, en lui demandant de façonner lui-même un mouvement dramatique”. Preuve qu’il savait parler du cinéma et le voir.
jean-paul gavard-perret
Claude Ollier, Ce soir à Marienbad. Et autres chroniques cinématographiques, Editions Les Impressions Nouvelles, Paris, 2020.