Laurence Bertrand Dorléac, Pour en finir avec la nature morte

Ou  l’éveil du regard

Fondé à la fois sur l’observation des œuvres d’art des peintres, sculp­teurs, pho­to­graphes et cinéastes (ano­nymes, Piraï­kos, Mu Qi, Aert­sen, Spoerri, Gupta, Tati, Tar­kovski…), la pen­sée des phi­lo­sophes (Phi­los­trate, Mon­taigne, Marx, Weber, Ster­ling, Barthes, Latour, Appa­du­rai…) et des écri­vains (Mon­taigne, Deu­bel, Bau­de­laire, Hugo, Michaux, Ponge, Perec…), ce superbe livre revi­site la nature morte.
Pour l’auteure, ce genre devient le lieu idéal du dia­logue et de dia­lec­tique entre le vivant et le non-vivant, entre les êtres et les choses, le pré­sent et le passé.

Laurence Ber­trand Dor­léac invite à repen­ser — depuis l’aurore des temps — l’histoire et la géo­gra­phie de l’espace de la repré­sen­ta­tion bien au-delà des fron­tières de l’Occident. Elle éta­blit non seule­ment des cor­res­pon­dances entre les arts contem­po­rains et les arts anciens mais com­ment s’inscrit la ten­sion entre l’abondance et le vide, l’être et l’avoir depuis que les hommes ne cessent de pro­duire, fabri­quer et accu­mu­ler nour­ri­tures, outils, armes, vête­ments et parures, bref tout ce qui appa­rient à l’ordre du désir et de la prédation.

Une nou­velle fois, Fran­çoise Ber­trand Dor­léac réus­sit son entre­prise en res­tant fidèle à sa pra­tique de l’entrelacs entre divers registres.
L’essai illustre com­ment l’existence de la nature morte est induite par dif­fé­rentes ins­tances de légi­ti­ma­tion, de pra­tiques et de savoir poli­tiques, cultu­rels autant qu’esthétiques.

La nature morte est don­née avec une sura­t­ten­tion déli­cate et une pro­fon­deur des temps et des champs. Là où se loge le coeur des choses se crée une quête ver­ti­gi­neuse où nous glis­sons.
Elle dit l’illusion du monde phé­no­mé­nal et son infi­nie à la fois pureté et impu­reté, sym­boles d’un lien avec l’éveil du regard en recherche d’une inten­sité plus aiguë au-delà de la pré­ten­due noblesse du por­trait ou du paysage.

jean-paul gavard-perret

Lau­rence Ber­trand Dor­léac, Pour en finir avec la nature morte, Gal­li­mard, coll. Art et Artistes,  2020, 220 p. — 26, 00 €.

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