Une fresque impressionnante et magistrale
Avec un maximum de précisions et d’informations dans le pur style des biographies dites “à l’américaine”, Antonio Scurati détaille les 7 années phares de la vie de Mussolini. A savoir, celles qui transforment un journaliste besogneux, obstiné, ambitieux de Milan en un chef d’Etat arrogant et prétentieux.
Accèdant au pouvoir en 1922, il n’hésite pas au besoin à afficher ses méthodes criminelles.
Ce premier tome est déjà riche de tout ce qui fera du Duce autant “M le Maudit”, qu’un parfait “enfant de son siècle” à côté des autres dictateurs du XXème siècle. L’auteur a soin de préciser combien pour l’avènement d’au moins deux d’entre eux, le Traité de Versailles fut le point de départ.
Il fit le lit des populismes revanchards face auxquels celui de Trump ressemble à une aimable farce.
Superbement écrit (et traduit), cette biographie permet de suivre les petitesses et les ignominies de la vie intime et publique du Duce. Mais, néanmoins, Scurati ne simplifie rien et, sans apologie du libéralisme (bien au contraire), il montre comment dans le fascisme les linges sales se retrouvent en famille quitte à se déchirer ensuite les uns les autres — lessive faite.
L’auteur, en dépit de son objet, se dégage de tout jugement à la serpe. Il a l’intelligence de souligner la férocité du “modèle” avec goguenardise pour éviter tout effet de marteau pilon.
Cette fresque impressionnante est magistrale et donne envie d’attendre sa suite avec impatience car tout un monde complexe s’y anime.
lire un extrait
jean-paul gavard-perret
Antonio Scurati, M l’enfant du siècle, traduit de l’italien par Nathalie Bauer, Les Arènes, Paris, 2020, tome 1, 860 p. — 24, 40 e.