De Gaulle, catholique et patriote
« Je crois en Dieu et en l’avenir de ma patrie ». Telle fut la raison d’être du général de Gaulle. Et si l’on connaît très bien son ardent patriotisme, sa foi chrétienne intense demeure encore dans l’ombre.
On lira donc avec un très grand intérêt l’étude précise, dense et documentée de Gérard Bardy sur le catholicisme de l’homme du 18-juin.
Son parcours religieux et intellectuel est très bien rappelé, depuis son milieu familial jusqu’aux lectures de Bergson, Maurras, Péguy, Barrès, en passant par l’influence du catholicisme social et du Sillon. Ainsi façonné, l’officier resta à jamais marqué par cette centralité de la religion dans sa vie qui lui fit mépriser l’argent, détester le nazisme, le rapprocha du monde juif et lui permit de surmonter l’épreuve de la trisomie de sa fille Anne dont la mort en 1948 le crucifia.
Cela étant, il s’imposa une discrétion absolue dans l’expression de sa foi, et pas seulement une fois parvenu au pouvoir. Discrétion lors des offices, même si ses discours sont truffés de références chrétiennes à faire hurler les laïcards de notre époque. Notons enfin que le livre montre le nombre notable de religieux lancés dans l’aventure de la France libre : « Sur les mille trente-huit Compagnons qui seront distingués dans l’ordre de la Libération […] figureront pas moins de quinze ecclésiastiques. »
Ainsi Dieu est-il partout chez le général de Gaulle. « On ne fait l’histoire qu’avec ce Dieu offre ». Sa foi lui inspira une tendance au pardon pour les fautes et les crimes de l’Occupation mais qui trouvait sa limite dans la défense intransigeante de la raison d’Etat, laquelle s’exprima dans toute sa dureté dans le règlement de l’affaire algérienne.
On notera aussi à ce propos sa crainte de la poussée de l’islam sur l’avenir de la France et de son identité. De même, s’il approuva les réformes de Vatican II, il vit, d’une manière prophétique, les dangers du mouvement révolutionnaire dans l’Eglise qui allait en effet tout emporter. Cette Eglise que ce gallican convaincu aima et défendit mais qui fut absente aussi bien en 1940 qu’en 1968, aux deux grands rendez-vous du gaullisme avec l’histoire.
Amère ironie pour le dernier roi chrétien comme le surnomme avec justesse Gérard Bardy.
frederic le moal
Gérard Bardy, Charles le catholique. De Gaulle et l’Eglise, Plon, octobre 2020, 618 p. — 11,00 €.