Marie Canet, Baker

Ni une mine, ni une somme, mais un ouvrage utile

Ni une mine, ni une somme, ce petit opus­cule passe en revue la vie tré­pi­dante et les enga­ge­ments de celle que beau­coup (j’en étais) ne connaissent que sous les traits de la meneuse de revue hilare affu­blée d’une jupe en bananes.
En réa­lité, comme le montre Marie Canet, José­phine Baker a eu mille vies – et presque autant d’hommes pour la peu­pler. D’où l’utilité de ces quelques pages pour qui serait tota­le­ment ignare sur le sujet.

Baker a d’abord été enga­gée, un peu par hasard d’ailleurs, dans la célèbre « Revue nègre » (ini­tia­le­ment appe­lée « Black Birds ») pour incar­ner la figure négroïde telle que la France colo­niale des années 1920 vou­lait la voir, d’où l’exagération des traits, de la noir­ceur de la peau, etc.
José­phine y apporte sa touche per­son­nelle en sin­geant à outrance. Plus tard, elle devien­dra l’icône sophis­ti­quée de la Vénus noire, nou­velle idole moderne. Pro­fi­tant de sa célé­brité et sous la hou­lette de son mari du moment, Gui­seppe Aba­tino dit Pepito, elle mon­naie son image sans tou­te­fois reven­di­quer d’appartenance raciale fixe, en tour­nant notam­ment dans de nom­breuses réclames.

Puis arrive la guerre et, chan­geant une fois encore d’incarnation et même de ton, d’attitude et de phy­sique – et après avoir un peu hésité –, elle par­ti­cipe à la Résis­tance. Dans les années 1950, ren­trée aux Etats-Unis, elle sou­tient la cause noire à tra­vers le NAACP. Elle mourra en 1975, après avoir côtoyé les plus grands et alors que son nom s’allume au fron­ton de Bobino pour un spec­tacle en son hon­neur qui retrace les étapes de sa vie.

Ces quelques lignes en disent long sur la richesse de la vie de José­phine Baker, si bien qu’un ouvrage aussi bref laisse for­cé­ment le lec­teur frus­tré. On aurait par exemple bien aimé en apprendre davan­tage sur les ter­gi­ver­sa­tions au début de la guerre. Certes, il est bien évident que la visée de Marie Canet n’est pas ici de pro­po­ser une bio­gra­phie exhaus­tive du per­son­nage, mais même les conclu­sions qu’elle tire et sa théo­rie quant à l’enseignement que Baker trans­met aux nou­velles géné­ra­tions de femmes auraient mérité un regard plus neuf et plus ori­gi­nal.
Car enfin, en faire une figure de « l’empouvoirement » et de « la dépos­ses­sion », puis un « modèle d’émancipation » est tout de même assez attendu.

agathe de lastyns

Marie Canet, Baker, Fran­çois Bou­rin, coll. Icônes, octobre 2020, 108 p. – 14,00 €.

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