Deux textes se font écho et sont présentés en diptyque : un extrait du Livre de l’oubli (P.O.L) de Bernard Noël et un texte inédit, L’effacement de Valentine Oncins. Les réalisations originales de Jacquie Barral accompagnent cette double poétique.
Elles sont constituées d’un diptyque en peinture noire acrylique, posée en rehauts sur un tirage photographique, à partir d’un détail de dessin, puis d’une mise en effacement sur un support transparent marouflé. Elles jouent sur différentes nuances de papiers blancs, de leur brillance et matité.
Existe là une triple machine à voir. Avec ce que cela cherche dans l’espace du regard. Comment se dégage-t-il ou tente-t-il de le faire de l’espace mental qui le traduit et trahit ?
La question du visible et/ou de la visibilité ramène donc à cette machine par où la plupart de nos perceptions passent ou ne passent que mal tant elles sont filtrées.
C’est donc à travers le regard que, paradoxalement, le regard échappe en se transformant en textes et images. Il se disjoint en la nimbe d’une attente lesté de désir.
En quelque sorte, il devient l’anti-chambre de notre manuel mental d’interprétation. Les trois approches extraient le réel en le poussant vers des postulations flottantes en des suites de bémols poétiques ou visuels.
Si bien que l’image est souvent ce que Noël nous rappelle : une consommation du nostalgique, car nous n’avançons qu’à reculons et, rappelle l’auteur, un tel volte-face induit à une sorte d’adossement à la mort.
Certes, l’image et son approche ne doivent pas nous enfermer. Mais, pour qu’elle ouvre, il faut faire l’effort de nous dégager de notre “esprit de programmation” et oser la surprise.
Dès lors, chaque fois les trois tentatives rencontrent le réel. Il peut devenir une nouvelle histoire mais ce qui compte c’est de trouver une nouvelle passerelle, un nouveau passage, un nouveau coup de foudre.
Les créateurs en présentent des serrures sans forcément nous en donner les clefs mais ils réaniment le fonctionnement du processus.
Les pensées spéculatives se révèlent par le biais de la ponctuation de l’artiste vers un ordre caché du monde que les mots n’épuisent pas.
Dès lors, Jacquie Barral franchit les limites du logos en des pans et fragments qui tiennent ensemble et deviennent l’organisme “vivant” de l’espace du dedans — celui de l’âme et/ou de l’inconscient.
jejan-paul gavard-perret
Bernard Noël, Valentine Oncins & Jacquie Barral, À phrases perdues, Coll. 2+3=5, 2020 — 380,00 €.