Roberto Calasso, Le chasseur céleste ( Il cacciatore celeste)

Le bras­seur de temps

Le Chas­seur Céleste  est la hui­tième par­tie d’une œuvre en cours com­men­cée avec La ruine de Kasch (Du monde entier, 1987). Avec  les tou­ristes, ter­ro­ristes, sécu­la­ristes, hackers, fon­da­men­ta­listes, trans­hu­ma­nistes, algo­rith­mi­ciens des tri­bus qui habi­taient et agi­taient “l’innommable actuel” paru il y a deux ans, le monde était fuyant comme il n’était jamais arrivé aupa­ra­vant.
Il sem­blait igno­rer son passé mais ce nou­veau livre et ses épi­sodes remontent à une époque où, si se ren­con­traient d’autres êtres, nul ne savait s’il s’agissait d’animaux, de dieux, de sei­gneurs, de démons, d’aïeux. Ou sim­ple­ment d’hommes.
Il fal­lut attendre un jour. Un long jour. Puisqu’il dura plu­sieurs mil­liers d’années et “Homo” fit ce que per­sonne n’avait encore tenté. Il imita les ani­maux qui le pour­sui­vaient : les pré­da­teurs. Ren­ver­sant le jeu  il se fit chas­seur. La méta­mor­phose fut longue et laissa des stig­mates dans les rites et dans les mythes et bien sûr les comportements.

Un nou­veau mael­strom eut lieu mêlant le ver­na­cu­laire au sacré, les dieux aux hommes au moment où diverses cultures fort éloi­gnées s’unirent dans des sar­da­na­pales dra­ma­tiques et éro­tiques en une zone du ciel, entre Sirius et Orion : le lieu du Chas­seur Céleste.
Calasso ras­semble ces épi­sodes tel­lu­riques quoique cos­miques et les déploie en un retour ter­restre selon de mul­tiples direc­tions, du Paléo­li­thique à la machine de Turing, en pas­sant par l’ancienne Grèce et l’Égypte et en explo­rant des connexions extrapolaires.

Une nou­velle fois, le bras­seur de temps illustre et accom­plit une ten­ta­tive — par­tiel­le­ment réus­sie par les hommes -  d’autoanéantissement en croyant tuer les autres.
Ces nou­velles his­toires résonnent moins loin­tai­ne­ment dans notre période que les pre­mières ne le fai­saient dans les années du début d’un tel cycle.

Les hommes ne semblent plus venir d’une autre val­lée ou de temps révo­lus. L’anxiété ne manque pas, et si elle ne pré­vaut pas c’est moins une féli­cité qu’une incon­sis­tance meur­trière qui lui fait place.
Serait-elle à elle seule la nature humaine ?

jean-paul gavard-perret

Roberto Calasso, Le chas­seur céleste (Il cac­cia­tore celeste), tra­duit de l’italien par Jean-Paul Man­ga­naro, Gal­li­mard, coll. “Du monde entier”, 2020 — 24,00 €.

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Filed under Echos d'Italie / Echi dell'Italia, Romans

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