Parfait pour ces périodes moroses !
Les Presses de la Cité, dans leur collection Omnibus, republient un monument d’humour, des rubriques entières de L’Os à moelle, l’organe officiel des loufoques à la tête desquels se trouvait Pierre Dac.
Cet hebdomadaire, de quatre pages, est paru du 13 mai 1938 au 7 juin 1940 soit 109 numéros. Le 109ème, au destin particulier, n’a été publié que sur deux pages, subissant la pénurie de papier.
En 1938, Pierre Dac est célèbre pour son humour. Il a fait la Grande Guerre où il a été blessé deux fois. Après sa démobilisation et quelques petits boulots, il entre à La Vache Enragée, le plus célèbre cabaret montmartrois où ses textes font mouche et séduisent le public. En 1935, il anime à la radio une émission quotidienne qui cartonne.
C’est lors d’un déjeuner avec les dirigeants de la Société Parisienne d’Édition, dans une conversation à bâtons-rompus qu’il évoque avec nostalgie l’hebdomadaire La Vache Enragée paru entre 1918 et 1925. L’idée fait son chemin et quelques mois plus tard, on lui propose la responsabilité d’un journal avec… un contrat de dix ans !
En préambule, l’équipe éditoriale d’Omnibus raconte tous les obstacles qu’elle a dû vaincre pour proposer le présent volume comprenant des rubriques de tous les numéros. Elle a, cependant, été obligée d’écarter les feuilletons, des pastiches délirants signés, par exemple, de Ponton du Sérail, Paul Ravebavoux, Fenicore Mooper ou du caporal-chef Bourgeron de la Gamelle. Ils ont fait l’objet d’un volume spécifique : Du côté d’ailleurs et de partout, romans loufoques.
Le premier numéro, le 13 mai, tiré à cent mille, est épuisé dans la journée. Les rotatives se remettent en marche et il sera vendu, dans la semaine, à quatre cent mille exemplaires.
En tête de chaque numéro, les éditeurs ont placé un petit encart grisé qui fait état de l’actualité de la semaine en question pour mieux saisir le contexte dans lequel des articles ont été écrits.
Chaque numéro comprend un éditorial du rédacteur en chef, en l’occurrence Pierre Dac, un grand reportage, un courrier du cœur, des annonces, des offres d’emploi, des concours, des entretiens farfelus dans la rubrique Une heure dix avec…, des annonces, des recettes, des conseils ménagers comme celui paru dans le numéro 19 du 16 septembre 1938 : “Préparez lentement vos pendules à revenir à l’heure d’hiver.”
C’est un déferlement de bons mots, d’images décalées, de plaisanteries, de mots d’esprit, de calembours. Les paronymes sont tous cocasses. C’est facétieux, d’un humour bon-enfant, jamais méchant, décalé. C’est le royaume du non-sens, des contre-pieds extravagants.
Si les propos sont totalement déjantés ou d’un humour poussé à l’extrême, les textes sont très bien écrits avec une écriture fluide dont la lecture butte, toutefois, sur les jeux de mots, les contrepèteries et les calembours qu’il faut assimiler.
Pierre Dac le fera reparaître entre 1964 et 1966. Le journal reverra un jour éphémère sous la direction de Jacques Plessis dans les années 1970.
Dans la période morose que l’on traverse, la lecture de cet omnibus est essentielle (elle !) pour sourire, rire, oublier quelques heures les soucis, tracas…
L’exécutif doit inclure la lecture de ces 1200 pages d’humour dans les mesures de confinement et de déconfinement.
serge perraud
Pierre Dac, L’Os à moelle – organe officiel les loufoques 13 mai 1938 – 7 juin 1940, Les Presses de la Cité, coll. “Omnibus”, septembre 2020, 1234 p. – 28,00 €.