Qui ne connaît pas Tintin, ce Reporter-photographe du journal Le Petit Vingtième, né le 10 janvier 1929 sous le crayon d’un certain Hergé, pseudonyme de Georges Rémi ? C’est sous cette qualité que Rémi avait été embauché, en 1927, au journal Le Vingtième Siècle. Des estimations récentes chiffrent à 270 millions le nombre d’albums vendus à travers le monde, traduits dans plus de 110 langues et dialectes.
Mais qui est Tintin hors de ses aventures ?
Jacques Langlois propose de suivre la carrière de ce reporter si célèbre. Il ne présente pas une relecture des albums, mais détaille les origines, les évolutions, les mutations de ce personnage, les réactions qu’il a suscitées. Parallèlement, il convie à suivre le parcours de son auteur depuis les premières planches, les rencontres qui ont influé, les événements qui ont déclenché des approches différentes.
C’est, par exemple, un rendez-vous avec un étudiant chinois, le changement d’éditeur, les contraintes commerciales et financières.
Dans un prologue, Jacques Langlois relate un dernier adieu à un sculpteur celui qui, étudiant, rencontra Hergé et qui est devenu Tchang, le jeune personnage sauvé par Tintin dans Le Lotus bleu, un album qui marque une nette transition dans l’œuvre. Puis, il explique comment, quand il était enfant, il est entré dans l’univers du créateur de Tintin et du personnage, les échanges épistolaires et leurs rencontres.
Il illustre, avec moult références, la marque que laisse ce héros dans la population, son influence. Il cite jusqu’au général De Gaulle qui aurait fait la confidence suivante, rapporté par André Malraux : “Mon seul rival international, c’est Tintin…” Et il démontre que cette réflexion est parfaitement plausible.
Il raconte la naissance du héros, les influences et les sources d’inspiration d’Hergé. Ainsi, il est probable que les premiers costumes du héros aient été inspirés de celui que porte, sur la couverture d’un livre, Palle Huld, un jeune Danois qui, pour célébrer le centenaire de la naissance de Jules Verne, s’était lancé en 1928 dans une course autour du monde qu’il boucla en quarante-quatre jours.
Jacques Langlois interroge sur la dénomination de héros pour Tintin. Si celui-ci semble trop admirable, courageux, vertueux, incorruptible…, il n’est pas, aux yeux de tous, sans défauts. C’est le cas des religieux dirigeant Cœurs Vaillants. Ces derniers le jugeaient, pour leur revue, trop imparfait car trop libre, sans famille et surtout… sans religion.
L’auteur raconte l’univers de Tintin, les différents personnages plus ou moins récurrents, la garde rapprochée composée du Capitaine, des Dupondt et de Tournesol. Il livre les pistes qui ont amené à leur constitution, depuis leur patronyme jusqu’à leur addictions. Ainsi, le patronyme de Haddock n’est pas inspiré du fameux aiglefin séché et fumé.
Il évoque les années sombres d’Hergé, quand un jeune universitaire signe dans le numéro 18 de L’Histoire un article intitulé : “Tintin au pays de l’ordre noir (1940–1944)”
Au fil des chapitres, à travers la découverte de Tintin, c’est une part de l’Histoire du XXe siècle qui est relatée. Avec Petit éloge de Tintin, un livre fourmillant de détails, d’anecdotes, on découvre l’envers du décor, un personnage à la stature beaucoup plus riche qu’on pourrait l’imaginer dans son seul rôle de héros, un Hergé qui se livre et la richesse de cette œuvre de 23 albums.
serge perraud
Jacques Langlois, Petit éloge de Tintin, Éditions François Bourin, novembre 2020, 264 p. – 12,00 €.