Tout dans les poèmes d’Arvo Steinberg commence bien. Ou presque : “café noir / Plomb dans les yeux/ Cul qui gratte / Matin classique”. Mais cela ne dure pas : la poésie devient dystopique et l’apocalypse est pour le prochain matin.
Cela n’empêche pas d’être sensibles à de belles cuicuisses. Très vite toutefois, d’autres égarements plus sombres prennent leur envol dans la matrice de chaque vision. Des malappris — et c’est peu dire — s’y agitent.
Le monde se renverse et celui qui suce un bonbon prend soudain la conscience aiguë qu’il est mangé par lui. Le chaos est donc de mise entre “autosatisfaction et démence”. Cela reste une bien faible self-défense.
Et marcher du pied gauche dans la merde ne porte pas forcément chance.
Surgit le grand débaroulement vers les excès mélo-dramatiques — même l’anthropophagie en fait partie. Les éléments grouillent et s’inversent : il suffit de prendre une poule et de dévisser une ampoule pour remplacer la seconde par la première et c’est ainsi que le bateleur fait son show pour que chacun ne puisse lancer un “pauvres de nous !”
Pas de retour au consistant mais la célébration d’un souffle qui sort des poumons à la “sauce goudron”. La chair et ses émotions sont cul par-dessus tête.
Aucun dogme du réel ne peut plus tenir la route et ça beugle de partout.
Cela carbure, usine vers la déliquescence. Mais cette apocalypse est presque une fête. L’homme tombé se relève sauf si un alligator — tel un pangolin — le terrasse. Quelques fragments épars d’espérance pointent.
Mais cela ressemble à une vue de l’esprit digne des imbéciles. Entre lait et cyanure, la ruée se fait là où tout bascule.
Courage, fuyons.
Mais après avoir pris le temps de savourer de telles visions purgatives.
jean-paul gavard-perret
Arvo Steinberg, Visions, Milagro Editions, 2020.
L’humanité covidée est plus effrayante que cette billevesée inventée !