« Balzac est un géant ! » (Dostoïevski)
Le roman peut être perçu comme une quête ontologique, en convoquant thèmes et figures pour nous montrer qui nous sommes, l’histoire et l’archéologie pour nous dire d’où nous venons, la philosophie pour nous dire où nous allons.
De l’ensemble, Balzac a fait une œuvre magistrale qui continue à nous parler. Il est le « génie-monde » qui éclaire de sa puissante lumière les splendeurs et les misères de notre comédie humaine, et dont cet ouvrage se propose de commenter quelques scènes majeures.
André Vanoncini a enseigné à l’Université de Bâle. Il est membre du Comité de rédaction de L’Année Balzacienne et de Constellation Cendrars.
Ses travaux portent sur Balzac, Cendrars, Simenon et le roman policier.
L’ouvrage proposé se fonde sur un ensemble d’articles parus d’abord séparément, au gré des colloques et publications, puis remaniés et adaptés afin de pouvoir former un livre qui présentât un tout, et qui s’organise en trois grandes parties : roman, histoire, philosophie, qui reprennent, d’une certaine manière, l’ambition que Balzac dessinait déjà dans la Préface de La Comédie Humaine en 1842, et qui retrace l’ordonnancement général qu’il a donné à son œuvre lors de l’édition des œuvres complètes chez Furne (scènes de la vie privée/militaire/de campagne, etc., études philosophiques…).
Lorsque Balzac paraît dans le champ littéraire, la philosophie n’est plus à la mode, toute marquée qu’elle est encore du siècle précédent et de la nouveauté que recherchent les penseurs. Quant à la littérature, elle ne manque pas de concurrents, tous producteurs de fictions captivantes pour un public nouveau qui en est très friand.
Mais, à la différence de ses contemporains, Balzac va inscrire dans ses textes des interrogations qui vont le distinguer du tout-venant de la production fictionnelle, et le singulariser dans la littérature romantique, pour aller vers « l’insaisissable et le profond ».
Il en sera même amené à changer la forme et le fond de ce qu’on entend par « roman » à son époque : modification de structure, d’orientation du récit, en assortissant la progression de l’intrigue vers son but d’une régression explicative vers les causes (pour se rapprocher du récit policier – on comprend mieux là un des centres de convergence des intérêts de l’auteur de ces études) : en augmentant le potentiel narratif, Balzac crée un nouveau roman capable de représenter l’homme dans son milieu, en un ensemble proliférant et pourtant ordonné.
Honoré de Balzac innove aussi en ayant recours au discours scientifique de son époque (Zola saura s’en souvenir) ; mais il ne s’agit pas seulement de le convoquer : l’auteur, bien au contraire, le sublime, devient historien, comprend ce que les grands esprits ont laissé se déposer à travers les âges. Le détail balzacien, par exemple, sur lequel on a entendu tant d’horreurs, doit être vu comme la trace ou le témoignage de l’état donné d’une civilisation.
La troisième partie montre que la philosophie inscrite dans La Comédie humaine ne saurait se limiter à un discours argumenté, qu’elle ne présente pas, de fait, puisant bien au contraire dans l’imaginaire, le mysticisme, l’alchimie, l’utopie pour signaler des enjeux pourtant centraux.
L’ensemble de ces articles, qui pourtant ne sonne pas disparate, donne une idée de l’ampleur et de la diversité du travail de l’universitaire.
yann-loic andre
André Vanoncini, Balzac, roman, histoire, philosophie, Paris, Honoré Champion, 2019, 372 p. — 39,00 €.