Ian Nathan, Wes Anderson — La filmographie intégrale d’un réalisateur de génie

Passer de l’abîme ani­mal au paroxysme de l’idéal

Wes Ander­son a connu en France sa plus com­plète consé­cra­tion avec Grand Buda­pest Hotel au suc­cès mérité mais où le réa­li­sa­teur se paro­diait lui-même en tirant au maxi­mum ses ficelles. A savoir sa façon bien à lui de fil­mer les choses, de les mettre en scène et de conce­voir les décors. Ce qui est, précise-t-il, “sa signa­ture”.
Mais c’est avec Rush­more, La famille Tenen­baum, A bord du Dar­jee­ling Limi­ted et sur­tout Moon­rise King­dom que le créa­teur a donné la plé­ni­tude de son talent.

Rien  de plus mer­veilleux que son art de trans­for­mer des his­toires en contes dans ce que sou­ligne Ian Nathan : tout un art de la varia­tion au sein de prises où les décors sont décou­pés selon une symé­trie par­faite et ou les tech­niques de prises de vues poé­tisent l’espace selon un humour consommé.
C’est bien du ventre de la société et de ses pré­ju­gés que ses per­son­nages sortent de leur propre coquille.  Par­fois, comme dans Moon­rise King­dom, accouchent des enfants dieux excen­trés, excen­triques. Ils dif­fé­ren­cient le tra­vail du deuil et de la mélan­co­lie, et celui de la drô­le­rie du tra­gique. La vie se creuse, se mange du dehors comme du dedans.

Cela revient à tatouer ce qui nous habite et nous tra­vaille en tant qu’engendreurs comme en tant qu’engendré. En consé­quence, l’art de Wes Ander­son demeure fidèle à la condi­tion humaine. Le réa­li­sa­teur décrypte notre infir­mité — que nous soyons vieux ou jeunes. Parce qu’il est inno­cem­ment lucide, le réa­li­sa­teur ose les méta­mor­phoses et les trans­for­ma­tions propres à illus­trer ce qui nous affecte et nous gri­gnote.
Ses films recréent le monde et l’espace qui  séparent de nous-mêmes. Ils rap­pellent la vie. Il convient donc d’y entrer comme en salle d’accouchement ou comme un groupe de dis­si­dents en lutte. Et de nous y débattre comme nous le pouvons.

Ian Nathan le montre et illustre com­ment pas­ser de l’abîme ani­mal que nous cachons au paroxysme de l’idéal. L’inverse est vrai aussi .
Le tout dans de folles germinations.

jean-paul gavard-perret

Ian Nathan, Wes Ander­son — La fil­mo­gra­phie inté­grale d’un réa­li­sa­teur de génie, Album hors série, Gal­li­mard, Paris, 2020, 176 p. — 35,00 €.

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