Ce que j’aime dans l’eau c’est que c’est souple
Jérôme Greiner, fidèle à sa volonté de publier dans sa revue des textes sans noms d’auteurs, nous souhaite une agréable baignade au milieu de jolies larves aux couleurs froides, des vits père et porcs épiques.
Preuve que nous n’aurons - avant de traverser notre fleuve dernier (Styx) - qu’avoir pu insuffisamment nous délecter dans les profondeurs aqueuses dont le silence est d’une félicité de velours.
Pas question de croire ou de sacrifier au mystère divin d’autant que l’eau, soit-elle bénite ou de Lourdes, n’engage en rien à notre transmutation future.
Bref, pas question de jeter l’eau de bains avec les vieux bébés que nous sommes (devenus). D’une certaine manière nous demeurons amniotiques…
Greiner et ses sbires prouvent superbement la splendeur de l’eau pour peu qu’elle ne soit non lourde mais souple. Elle demeure ici vivante en ses étendues diaphanes sur des surfaces imperméabilisées.
A travers histoires et variations (autour de Georges Bataille), l’eau “est” le monde et ses animaux même malades de la peste. Pour preuve, notre Terre est bleue — du moins pour un temps encore.
Le séjour en un tel marigot reste des plus jouissifs. Le lecteur batifole au milieu de bestioles qui frétillent parfois anormalement mais qu’importe. L’ensemble devient une ciné-cure où se trouvent ça et là des “come back” jamais traités en flash-back car les auteurs ne se livrent pas à cette commodité de la narration littéraire.
Elle se double ici d’artifices graphiques utiles à la consommation d’eau du commun des mortels lorsqu’ils osent, comme ici, dériver jusqu’à chérir l’amer.
jean-paul gavard-perret
Ouille n°3, Nous ne voulons pas l’au-delà ; nous voulons de l’eau d’ici, Editions Ouille, Condom, octobre 2020.