Une vision pertinente et impertinente
Les secondes chroniques du règne d’Emmanuel Ier débute par un long texte portant pour titre : “Requiem pour notre ignoble et cher vieux monde ou comment sa Majesté nous entraina en souriant vers les abattoirs du Nouveau Monde camouflés en galeries marchandes.” L’auteur fait la comparaison entre l’Ancien Monde qu’il a vécu, il n’y a pas si longtemps, et le Nouveau Monde cher au Souverain.
Or, ce nouveau Monde croise l’Ancien et, avec sophisme, débouche sur le constat : “Vous êtes entré au Nouveau Monde avec les réflexes de l’Ancien.” Et il ouvre les chroniques proprement dites.
Patrick Rambaud rappelle les circonstances, développe les événements, les situations qui peuvent être considérées comme les cinq plaies du royaume pendant le cours laps de temps évoqué. Mais avant, il rappelle que le roi Chirac, en 1998, avait vu sa côte de popularité gagner quinze points à la suite d’une fête sportive. Aussi l’Auguste Monarque s’empressa-t-il d’aller dans royaume de Vlad-le-Terrible assister aux dernières parties de la Coupe du Monde de balle-au-pied.
Mais la magie qui porta le Roi Chirac fit plouf car éclate un scandale quand il est révélé qu’un garde du corps du Prince a fait le coup de poing, déguisé en policier, contre des manifestants. La démission surprise de M. Hulot secoue le landerneau. Il décrit l’homme, le personnage politique pointant les failles de celui-ci quant aux voyages en hélicoptères pour dénoncer des abus contre l’écologie, aux voitures de collections polluantes et aux produits de sa gamme de cosmétiques à la chimie douteuse.
C’est le duc de Lyon, alors ministre de l’Intérieur qui provoque une nouvelle plaie. M. Collomb, qui se plaisait peu à Beauvau, avait reçu une pluie de critiques. Aussi, il préféra retourner dans cette ville sur laquelle il avait régné plus de seize ans.
Comme une respiration, un intermède cocasse, l’auteur retrace, en quelques mots plaisants, la perquisition au domicile, et au siège du parti, de l’inénarrable baron de la Méluche.
Il détaille l’installation des gilets jaunes, les revendications et les exactions liées aux manifestations. Patrick Rambaud termine les présentes chroniques en évoquant rapidement l’épidémie planétaire qui frappe le royaume en début de l’année 2020, se réservant le soin d’y revenir plus longuement lors de prochaines annales.
Il introduit une : « Lettre ouverte à mon amie la citoyenne Des Pentes » en réponse à ses récentes prise de positions, sa démission tonitruante, ses écrits brûlots…. Avec un art parfaitement maîtrisé du récit, le chroniqueur analyse les faits, les actions, les événements, prend un recul bénéfique qui lui autorise une meilleure connaissance des tenants et des aboutissants des situations.
Il se livre à un examen pertinent de la succession des faits, s’interrogeant, et interrogeant le lecteur, sur nombre d’anomalies tant juridiques, de procédure que sociales.
Il use, pour les exposer, de mots choisis avec soin avec la volonté appuyée de retrouver un vocabulaire, des tournures de phrases, utilisés sous des royautés que l’Histoire a retenu comme brillantes, empruntés aux meilleurs chroniqueurs du Grand Siècle. Il dresse des portraits éclatants de vérité, décrivant les événements, des situations où la pertinence du jugement, où l’esprit s’invite pour renforcer la vivacité du propos.
Le tout est conté avec un humour délicieux, un ton badin, des raccourcis cocasses et une belle connaissance de la nature humaine.
Toutefois, on peut regretter le nombre de pages assez réduits du livre, laissant le lecteur sur sa faim après une mise en appétit aussi excellente.
serge perraud
Patrick Rambaud, Les cinq plaies du royaume, Grasset, octobre 2020, 126 p. – 14,90 €.