Pierre Alary, Don Vega

Un pré­quel de Zorro…

C’est le 9 août 1919, dans la revue popu­laire All-Story Weekly qu’un récit titré Le Fléau de Capis­trano met en scène un jus­ti­cier : “…vêtu d’un som­brero enfoncé bas sur la tête, d’une longue cape et d’un masque noir qui dis­si­mu­lait ses traits…”. Le feuille­ton de l’américain Johns­ton Mc Culley, raconte les exploits d’un cer­tain Zorro dans la Cali­for­nie du sud en 1800 sous l’occupation espa­gnole. C’est un suc­cès. Le roman­cier pour­suit les aven­tures et ces textes sont réédi­tés en grand for­mat dès 1924. Puis, Dis­ney…
Mc Culley s’est ins­piré d’un Mexi­cain, mi-patriote, mi-bandit de grand che­min, dans la Cali­for­nie du XIXe siècle, à l’époque de la ruée vers l’or. Joa­quin Murieta défen­dait les mineurs amé­rin­diens contre les grin­gos. Le prix Nobel chi­lien de lit­té­ra­ture, Pablo Neruda, prix Nobel de lit­té­ra­ture, lui a consa­cré une pièce de théâtre.
Pierre Alary s’empare à son tour de ce héros popu­laire et com­met un pre­quel, reve­nant aux ori­gines du Zorro connu de presque la tota­lité de la Terre.

En 1845, le Texas, terre mexi­caine, est conquis par les États-Unis qui en font le 38e État. Même chose en 1848 pour ce qui devien­dra l’actuelle Cali­for­nie.
Don Vega, qui fait des études mili­taires à l’Académie de Madrid, reçoit, en 1848, une lettre du père Del­gado. Celui-ci lui apprend le décès de ses parents dans un acci­dent et la main­mise sur le domaine fami­lial, les terres et les filons auri­fères par l’ex-général Gomez. Il le presse de reve­nir dans les plus brefs délais.
En 1849, un homme por­tant une cagoule noire, tenant un pis­to­let, veut tuer au nom de Zorro, le voleur des terres qui bap­tise son fils. Il est abattu par un groupe armé mené par Bor­row, un borgne.
Une main ano­nyme dépose une rose sur la porte du caveau de la famille Vega.
Gomez s’est appro­prié le domaine Vega. Il achète, par la contrainte, des terres à bas prix et les revend trois à quatre fois plus cher à des Fran­çais ayant fui la révo­lu­tion de février. Il s’occupe de la finance, de la gérance et de l’administratif et Bor­row, son âme dam­née, de la “diplo­ma­tie”. À la tête d’une poi­gnée de sol­dats démo­bi­li­sés, ils ter­ro­risent les pay­sans, les forcent à extraire l’or des mines de Vega.
Des indi­vi­dus por­tant cagoule, se réfé­rant à Zorro, un per­son­nage de légende mexi­caine, tentent de se révol­ter. Ils sont abat­tus, pen­dus… jusqu’à ce qu’un Zorro, sachant manier l’épée, s’introduise dans le jeu…

C’est dans un contexte à la fois poli­tique, éco­no­mique et his­to­rique que Pierre Alary ins­talle son récit et lui donne le titre de Don Vega. Il reprend une situa­tion poli­tique par­ti­cu­lière, une période de flot­te­ment entre la conquête de ce ter­ri­toire et son inté­gra­tion aux États-Unis. Mais, tous ces élé­ments n’obèrent pas l’action, une action ubi­quiste qui voit des com­bats à l’épée, au pis­to­let, à la cara­bine, des pour­suites éche­ve­lées se suc­cé­der tam­bour bat­tant.
Avec un des­sin syn­thé­tique, réa­liste, un trait assuré, valo­risé par une mise en cou­leurs adroi­te­ment choi­sie, le récit s’impose en visuels. Les per­son­nages sont cam­pés de belle manière et leurs sen­ti­ments, émo­tions sont bien expri­més. Les décors retiennent l’attention par leurs détails, leur rigueur.

En conclu­sion, Pierre Alary revient sur l’investissement per­son­nel que repré­sente la réa­li­sa­tion d’un tel album, l’immersion quasi constante que cela néces­site. Il s’excuse auprès de sa com­pagne et de son jeune fils quelque peu délais­sés, fai­sant remar­quer, cepen­dant, que son fils aura appris au moins “…plein de gros mots et de jurons.”.
Un one shot qui ne donne qu’une envie, celle que Pierre Alary réa­lise une suite à ce remar­quable album.

lire un extrait

serge per­raud

Pierre Alary (scé­na­rio, des­sin, cou­leurs), Don Vega, Dar­gaud, octobre 2020, 96 p. – 16,50 €.

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