Les œuvres d’Aurore Pallet sont des mirages. Et ce n’est pas un hasard si souvent l’artiste revient sur la thématique des décors et du leurre. Elle ouvre la vie à toutes les errances. L’artiste plonge dans les abysses denses mais toutes en glacis et transparences. Il y a là une matière inconnue, non détectée qui appartient à toutes ces choses que l’œil humain ne pourra jamais voir, à la mesure d’un univers « intranquille » et insaisissable. L’œuvre devient une tentative pour attraper ces mystères qui sont aussi ceux des souvenirs de l’enfance et des cauchemars.
L’artiste fait entendre-voir des voix comparables à celles des « Trous dans la tête » de Guy Maddin et du démon de Füssli, horrifiant, assis sur le ventre d’une belle endormie. Néanmoins et quoique hantée par ces fantômes, Aurore Pallet les métamorphose. Elle met ainsi nos reflets inconnus dans ses miroirs aux secrètes quintessences. Oiseaux étranges, insectes énormes ou animaux plus familiers toisent les êtres et les menacent. Ils se soumettent à leur pouvoir. D’autres sont perdus dans des lieux inconnus. Mais Aurore Pallet ne s’arrête pas en si « bon » chemin. Elle part en chasse sur Internet pour collecter des images puis grâce au logiciel Photoshop elle invente des vertiges dans un jeu infini d’inducteurs visuels décalés. Décors de théâtre et de studios, trous de serrures : le voyeur lui-même reste en équilibre instable au sein de chausse-trappes.
Aurore Pallet, L’hypothèse des halos non lumineux, Exposition du 9 mars au 20 avril 2013, Galerie Isabelle Gounod, Paris.
Interview intempestive d’Aurore Pallet :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Le désir de commencer une nouvelle peinture.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Des images.
A quoi avez-vous renoncé ?
A gagner ma vie facilement et rapidement.
D’où venez-vous ?
De la campagne.
Qu’avez-vous reçu en dot ?
La confiance.
Qu’avez vous dû “plaquer” pour votre travail ?
Absolument rien.
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
Dormir!
Qu’est-ce qui vous distingue des autres artistes ?
Plutôt ce qui ne me distingue pas des autres artistes : l’étonnement d’exister, je pense.
Où travaillez vous et comment ?
Chez moi, assise (en tailleur) à un petit bureau.
Quelles musiques écoutez-vous en travaillant ?
Les chansons d’Alain Bashung et de Gérard Manset, qui sont comme des mantras pour moi.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
Au-dessous du volcan, de Malcolm Lowry.
Quel film vous fait pleurer ?
Je ne pleure pas au cinéma, j’attends d’être sortie
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez vous ?
Une connaissance d’enfance
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
Au père Noël
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Tous les lieux qui ont réussi à se fabriquer artificiellement une image mythique et fonctionnent autour de cette idée : Hollywood, Las Vegas, les parcs Disneyland…
Quels sont les artistes dont vous vous sentez le plus proche ?
David Lynch, Murnau, Fred, les frères Grimm, Guy Maddin, Lewis Carroll, Brigitte Fontaine, Wim Wenders, Richard Brautigan, Alain Bashung et Gérard Manset (à nouveau!), Fra Angelico…
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Une année en plus
Que défendez-vous ?
Joker
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Que les définitions, c’est toujours difficile
Enfin que pensez vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
Je l’ajoute à mes artistes préférés.
Présentation et propos recueillis par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com en février 2013.