Mara constitue un univers très cohérent autour des fantômes. Elle imagine, par exemple, une classification de 1 à 10 selon la typologie de l’ectoplasme, selon qu’il soit visible ou non par les humains. Elle mêle science et spiritisme, orientant son récit vers l’étude, la volonté de compréhension, le développement d’une certaine empathie pour ces entités.
On ne retrouve pas la peur inspirée par ces entités, la terreur qu’ils suscitent comme dans des récits qui mettent en scène des chasseurs de fantômes.
En Sibérie, à Tunguska, en juin 1908, une énorme déflagration provoque un désastre. Dix jours plus tard, sur les lieux, alors que Boris Voynich et son compagnon décident d’étouffer l’affaire, un troisième homme les appelle. L’ectoplasme d’une mère les guide pour sauver sa petite fille coincée sous des décombres. Boris l’adopte.
À New York, quelque vingt-trois ans plus tard, Boris et Ian, son jeune assistant, poursuivent des expériences sur les esprits. Dans le laboratoire, Ian assiste impuissant au meurtre de son mentor par des soldats aux ordres d’Arroway. Échappant à l’incendie déclenché par les meurtriers, Ian se retrouve seul, sans ressources. Bien qu’il lise, dans la presse spécialisée, la mort de quatre des confrères de Boris, la police conclut à un accident.
Nell, la fille de la grande journaliste Christine Lovelace, est obligée d’accepter la rubrique paranormale d’un grand journal new yorkais, bien que ne croyant absolument pas à ces fariboles.
Ian, pour prévenir les autres spiritologues du danger qu’ils courent, veut faire passer un message dans la revue. Il arrive à la fermeture du bureau, face à une Nell qui n’en peut plus de sa journée…
La scénariste introduit dans cette quête à caractère policier un certain nombre de trouvailles tant graphiques que scénaristiques avec de nombreuses pointes d’humour. Le couple de héros, entre cette jeune femme intrépide et fonceuse et ce garçon féru en spiritisme, mais d’un tempérament réservé, voire timide, fonctionne à merveille.
Mara les entoure de quelques personnages hauts en couleur, que ceux-ci adhèrent au paranormal ou qu’ils en soient des adversaires.
Si le cadre retenu est New York dans les années 1930, le décor se prête bien au climat de l’histoire et aux préférences de l’auteure. Nombre de péripéties dynamisent un récit déjà attractif par le parcours des protagonistes, leurs relations à développer. Les deux planches décrivant leur rencontre, avec les regards échangés, sont une belle illustration de cette confrontation.
Il faut rappeler que le 30 juin 1908, en Sibérie, à Tunguska ou Toungouska, une explosion, d’une puissance estimée à mille fois celle d’Hiroshima, a effectivement ravagé la région, balayant la forêt sur plus de deux mille kilomètres carrés.
Mara assure la totalité du dessin et de la mise en couleurs, aidée pour la pose des aplats par Suria Barbier et Carole Bride. Elle réalise un graphisme entre réalisme et fantaisie avec un trait dynamique et élégant. Ses personnages sont superbement restitués, dotés d’une belle expressivité.
Avec Tunguska, Mara propose un thriller fantastique qui, au vu du premier tome, s’avère très prometteur. Nul doute que nombre de lecteurs vont consigner, sur une liste de veille, d’être vigilants quant à la sortie de la suite.
serge perraud
Mara (scénario, dessin, couleur), Suria Barbier & Carole Bride (assistance à la couleur), Spirite – t.01 : Tunguska, Bamboo, label “Drakoo”, septembre, 54 p. – 15,90 €.