La première et la quatrième de couverture de ce recueil sont ornées de recommandations dithyrambiques, signées respectivement Salman Rushdie et Vanity Fair, qui mettent le lecteur en appétit pour un ouvrage qui serait “magnifique“ et “magistral“.
C’est peu dire qu’on tombe de haut, avant même d’en avoir absorbé la moitié, tant l’écriture d’Andrew Solomon s’avère, dans la plupart des reportages, médiocre, voire indigeste – à quelques rares exceptions près.
Il est permis de se demander dans quelle mesure l’impression d’ensemble provient de la traduction. On ne saurait relever toutes les occurrences non seulement des coquilles, mais des vraies fautes de français (ainsi, la formule “à l’occidentale“ est immanquablement orthographiée sans sa voyelle finale) et d’incongruités telles que “peintre à l’huile“, p. 196 (en conserve, comme le thon ?), “devint critique politique à la cour“, p. 205, “une moufle réalisée avec un majeur levé“, p. 212, “du pain plat“, p. 280 (s’agirait-il de galettes ?), “confit une grande vérité“, p. 324, ou “Le paysage [de Rio] présente une vigueur presque vénitienne“, pp. 396–397. Il y a même pire : dans certains cas, la traductrice a carrément renoncé à traduire, notamment en parlant de la fête chinoise “du Cold Food“ (p. 205) et en utilisant la notion de “gallons“ dans une citation de texte chinois (p. 206).
Et que dire d’une tournure comme celle qui suit : “Il est plus probable que cela se produise lorsque le coût du voyage n’était pas très élevé“ (p. 219) ? De toute évidence, aucun correcteur n’a relu les épreuves. A quoi bon publier en français un gros pavé comme celui-ci sans faire le nécessaire pour éviter qu’il insupporte les lettrés au plus vite ?
Ayant fait l’effort de le lire jusqu’au bout, je ne saurais vous recommander que “Les trois étapes de Phaly Nuon“, reportage sur une Cambodgienne très éprouvée qui avait réussi à mettre au point une méthode pour guérir les traumatismes psychiques ; “Les grands espaces de la Mongolie“, qui vous dépaysera d’autant mieux qu’il décrit un état de choses déjà révolu ; et “Nu, recouvert de sang de bélier, buvant un Coca et me sentant parfaitement bien“, où l’on apprend non seulement comment une guérisseuse sénégalaise a soigné la dépression de l’auteur, mais aussi que les Rwandais ont été obligés de demander aux psychothérapeutes occidentaux de quitter le pays, après avoir été consternés par leurs méthodes (p. 266).
agathe de lastyns
Andrew Solomon, Les Frémissements du monde. Reportages (1988–2017), traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Christine Vivier, Fayard, septembre 2020, 600 p. – 28,00 €.