Que serait la BD d’humour sans Gotlib ?
L’esprit de cette série est de présenter, parmi l’ensemble de l’œuvre, des histoires jugées comme les meilleures de l’auteur par une pléiade de créateurs de la BD d’Humour.
Après Edika, Goossens, Binet, il était urgent de consacrer un album à Marcel Gotlib, la Référence en matière de BD d’humour des années 1965 à 2012.
Faisant ses premières armes, enfin, ses premières palanches, au journal Vaillant, il intègre Pilote où ses Dingodossiers scénarisés par Goscinny faisaient attendre impatiemment le jeudi pour découvrir la nouvelle livraison. Puis, il poursuit avec ses inénarrables RAB – Rubrique-à-Brac, pour lesquelles il assurait écriture et dessin.
Parallèlement, il développe d’autres personnages atypiques avant de venir vers une BD plus adulte en créant, avec Claire Brétécher et Nikita Mandryka, L’Écho des Savanes en mai 1972. Puis en 1975, avec Diament, il initie les débuts de Fluide Glacial. Il peut donner alors libre cours à son imagination presque sans limites, n’hésitant pas à dessiner de façon réaliste, voire très réaliste, tous les actes de la vie, tout le corps humain tant féminin que masculin.
Cet album regroupe neuf histoires choisies et commentées par la fine fleur de la BD humoristique actuelle : Solé, Zep, Tebo, Edika, Maëster, Julien CDM, Goossens, Binet et Fabcaro.
Une préface de Léandri présente l’auteur de façon facétieuse et une planche inédite clôture l’album.
Ces neufs histoires sont représentatives de l’humour de Gotlib, celui-ci n’hésitant pas à faire descendre les dieux de leur trône pour se comporter comme des humains heureux de se retrouver mais confrontés à des contingences bien matérielles. Il donne, dans une suite de planches se terminant par une belle morale, les différentes exigences du corps humain, du tube digestif. Et, présenté ainsi, cela interpelle car…
Il réunit dans un combat dantesque Superdupont et Bruce Lee. Une planche montre Pervers Pépère aux prises avec une poupée gonflable indomptable. Il joue avec la censure, plutôt avec un censeur, dans un récit œdipien à souhait.
Goossens retient le texte d’une nouvelle, La Chaussette de l’épouvante, extraite de Jactances. Gotlib revisite les contes donnant aux héros de ceux-ci une appétence certaine pour le sexe.
Il n’hésitait pas à se mettre en scène dans des poses très flatteuses mais pas toujours à son avantage.
Il jouait à merveille de l’art de la démesure, donnant à ses personnages des poses grandiloquentes, des expressions excessives, exagérées, allant presque à la parodie. Mais la tendresse, la poésie ne sont jamais loin car derrière ses personnages torturés, vomissant tripes et boyaux au sens propre de l’expression, il place une vision de l’humain, une vision de l’humanité avec ses contingences, ses défauts, ses difficultés, une humanité à prendre telle qu’elle est.
Avec cet album, c’est un bel hommage, ô combien mérité !, que les Éditions Fluide Glacial rendent à l’un de leurs fondateurs, ce formidable créateur à la palette immensément riche dont on se laissera jamais d’admirer les œuvres.
serge perraud
Gotlib — Les Grands crus classés de Fluide Glacial, Fluide Glacial, octobre 2020, 96 p. – 19,90 €.