Une poésie plus descriptive que réellement transgressive
Il existe dans ce live une foi inébranlable en les mots et la poésie. Dauphin la concocte dans une sorte de néo-surréalisme engagé de bon aloi et une foi dans l’humain démuni face aux divers pouvoirs politiques, idéologiques et religieux.
S’y retrouve — mais sans moindre copie — une doxa héritière des grands anciens, de Vachey à Cendras en passant par Eluard et bien d’autres. Ils cohabitent avec des tubes d’Ultra Brite mis comme frontières ou blindages pour faire sourire les barbelés qui, en Palestine et à San Diego, partagent le bon grain de l’ivraie.
C’est souvent vif, lyrique tant l’auteur se plaît dans ses mots Trop peut-être, si bien que cette poésie est plus descriptive que réellement transgressive.
La révolte gronde dans des dérives orphiques où il s’agit d’assurer une sur-vivance dans un monde grevé de son lot de perdants : migrants, drogués, etc..
Dauphin veut donc brasser le monde avec ambition pour le secouer. Mais sa poésie touille le bol plus que la crème de ce qu’il veut soulever. Et si bien des vérités sont émises, cela reste écrit selon des manières émises et des reproductions du logos.
L’auteur les réanime en les mettant à la sauce du monde. Mais ils deviennent des instruments de discours plus qu’ils illimitent le langage. Et ce, sans repousser les bornes de la représentation réaliste et les spéculations du même tabac.
L’ensemble reste vif là où le monde est parcouru de long en large. Cela laisse néanmoins le lecteur passif : il peut être séduit par le souffle lyrique mais tout, dans cette reprise d’une vie et du monde tel qu’il est, demeure sans grand effet.
A vouloir dénoncer les horreurs aux “pétales du pus”, la poésie reste de l’ordre d’une pure énonciation sans doute aussi musclée, coléreuse, impertinente que généreuse mais cela ne change rien à l’état des lieux.
jean-paul gavad-perret
Christophe Dauphin, Totem normand pour un soleil noir, Les Hommes sans Epaules éditions, 2020, 176 p — 20,00 €.