Dans le Chicago de l’année 1970…
Kris Nelscott est un des pseudonymes de Kristine Kathryn Rusch qui œuvre aussi bien dans les domaines de la fantasy, de la science-fiction que du policier. Elle a commis, également, quelques épisodes de Star Wars et Star Trek.
Sous le nom de Kris Nelscott elle écrit, dès les années 2000, Les aventures de Smokey Dalton, un détective privé noir. La série comptera 7 opus entre 2000 et 2014, avec une interruption de 8 ans entre Quatre jours de rage (2006) et Justice de rue (2014).
Alors qu’il ne peut se résoudre à travailler en ce tout début de janvier 1970, Smokey Dalton reçoit un appel affolé de Keith Grimsham. Il téléphone de la part de Jimmy depuis les abords du Starlite Hotel. Lacey, sa sœur aînée âgée de treize ans, a des problèmes.
Quand Smokey arrive sur les lieux, il trouve les deux garçons qui aident Lacey à descendre les dernières marches. C’est Jimmy qui l’a sauvée en tabassant le type qui tentait de la violer et en l’obligeant à fuir.
À l’hôpital, les parents de Lacey tentent de comprendre et Smokey se reproche de n’avoir pas pris au sérieux les avertissements de Jimmy quand ce dernier trouvait qu’elle traînait avec de mauvaises personnes et séchait des cours. Jimmy demande à son père adoptif de l’accompagner car il voudrait voir comment il a amoché le type. Il sort alors un portefeuille, celui que l’agresseur a perdu en essayant de remonter son pantalon.
Smokey retrouve facilement l’assaillant mais, face au cynisme de l’individu, le coup part tout seul, coupant la suite de la piste car ce drogué n’était que le premier maillon d’une ignoble chaîne…
C’est l’existence au plus près du quotidien des populations noires que, dès l’année 2000, la romancière a entrepris de raconter à travers les enquêtes de ce détective privé qui officiait, en 1968 à Memphis. S’appuyant sur les événements historiques qui se sont déroulés à la fin des années 1960, elle brosse à travers des récits foisonnants, un aspect de la société américaine, d’abord dans le sud des Etats-Unis, puis à Chicago.
La première enquête (La Route de tous les dangers) se déroule quelques semaines avant l’assassinat du pasteur Martin Luther King et permet de faire connaissance avec Laura Hathaway, une riche héritière blanche. Avec celle-ci, le détective entretient des relations tumultueuses et ambiguës, nourries cependant, par les deux protagonistes.
Il est amené à prendre sous son aile le jeune Jimmy, abandonné la veille de ses dix ans par une mère prostituée et toxicomane. Parce que Jimmy est témoin de l’assassinat de Martin Luther King par un autre individu que James Earl Ray, le coupable officiel, ils partent se cacher à Chicago où Smokey, grâce à ses amis Franklin et Althea Grimshaw, prend le même nom qu’eux.
Le présent roman traite de la prostitution et des gangs qui font une certaine loi dans la célèbre cité de la viande, là où Tintin était poursuivi dans les gigantesques abattoirs.
Tout le récit est raconté à la première personne, par Smokey qui fait part de ses réflexions, ses inquiétudes, ses incertitudes, ses exaspérations, ses vexations… Il fait face à de nombreux adversaires tout en ayant à se cacher de la police, des regards de ceux qui pourraient le reconnaître. Il raconte le racisme ordinaire, les réseaux brutaux de la prostitution, ceux de la drogue, la manière dont les jeunes proies se font embarquer.
Avec Justice de rue Kris Nelscott signe un roman très politique, sombre, remarquablement servi par un art maîtrisé du récit et une belle écriture.
serge perraud
Kris Nelscott, Justice de rue (Street justice), traduit de l’anglais (États-Unis) par Benoîte Dauvergne, Éditions de l’aube, coll. “Noire”, octobre 2020, 392 p. – 23,90 €.